trologie [1], et que de là vient que beaucoup d’auteurs maintiennent une opinion directement contraire à celle des précédens, sçavoir : qu’il subit une telle condamnation, non point pour sa magie, mais parce qu’il voulut rendre raison des effects merveilleux qui arrivent le plus souvent en la nature, par la vertu des corps célestes, sans les rapporter aux anges ou démons. Ce qui est très-apparent par le recueil qu’a faict Symphorien Champier [* 1] des passages de ses Différences, qui ne doivent estre leus sans précaution, et par l’authorité péremptoire de François Picus, qui dict expressément, parlant d’iceluy [* 2] : Ab omnibus fermè creditus est magus ; verùm constat quàm oppositum dogma ei aliquandò tributum sit, quem etiam hæreseum inquisitores vexaverunt, quasi nullos esse dæmones crediderit ; à quoy il faut adjouster que Baptiste de Mantoue [* 3] l’appelle pour cette occasion Virum magnæ, sed nimiùm audacis temerariæque doctrinæ ; que Casmannus [* 4] le met au nombre de ceux qui rapportoient tous les miracles à la nature ; et que le Loyer, en ses Spectres [* 5], asseure qu’il se mocquoit des sorciers et de leur sabbat : d’où l’on se pourroit estonner que les mesmes autheurs le nomment en beaucoup d’autres endroits parmy les enchanteurs et magiciens, si ce n’estoit l’ordinaire de ceux qui escrivent sur cette matière de grossir tellement leurs livres, en copiant tout ce qu’ils trouvent dans les autres, que difficilement peuvent-ils observer le précepte du poëte :
Primo ne mediom, medio ne discrepet imum [2].
Après cela, son apologiste expose qu’il
a de quoi le défendre, et du crime
de magie et de celui d’athéisme, tant
par le tesmoignage que l’illustrissime
et religieux Frédéric duc d’Urbin a
voulu rendre à ses mérites, luy dressant
une statue parmy celles des hommes
illustres qui se voyent en sa citadelle,
que par l’attestation publique
de la ville de Padoue, qui a faict
mettre son effigie sur la porte de son
palais, entre celles de Tite-Live, Albert
et Julius Paulus, avec cette inscription
sur la base : Petrus Aponus,
Patavinus, philosophiæ medicinæque
scientissimus, ob idque Conciliatoris
nomen adeptus, astrologiæ verò adeò
peritus, ut in magiæ suspicionem inciderit,
falsòque de hæresi postulatus,
absolutus fuerit [3]... Mais,
ajoute-t-il [4], pour descouvrir entièrement
la fausseté des objections,
l’on peut respondre à ce que Lucdwigius
[* 6] a dit des sept esprits qui luy
enseignèrent les sept arts libéraux,
que cette narration fabuleuse a pris
son origine sur ce que le mesme Pierre
d’Apone [* 7] assure, après Albumazar,
que les prières qui sont faictes
à Dieu lorsque la lune est conjoincte
avec jupiter, en la teste du dragon,
sont infailliblement exaucées ;
et que pour luy, comme il eût demandé
suivant ses propres termes sapientiam,
à primo visus est sibi in
illâ amplius proficere. Sur quoi néanmoins
beaucoup d’autheurs se mocquent,
à bon droict, de ce qu’il a désavoué
si indiscrètement toutes ses veilles
et labeurs, pour n’estre redevable
de sa doctrine qu’à la superstition de
cette prière, qui ne peut estre que
vaine et sans efficace, en tel sens qu’on
la veuille prendre. Car si l’on dict qu’elle
s’addresse aux astres, c’est une pure
bestise de croire qu’ils la puissent entendre ;
si à Dieu, je demanderois
volontiers s’il estoit sourd auparavant
cette conjonction, s’il ne veut recevoir
nos prières sans icelle, ou si elle le
peut contraindre et nécessiter à condescendre
aux vœux que l’on luy fait.
Et de là vient que Jean Pic [* 8] avoit
raison de dire, en parlant de ce nouveau
Salomon : Consulerem Petro isti
ut totum quod profecit suæ potiùs
industriæ ingenioque acceptum refer-
- ↑ (*) III parte, lib. Cribrat.
- ↑ (*) Lib. VII de Prænot., cap. VII.
- ↑ (*) Lib. I, de Patientiâ, cap. III.
- ↑ (*) Angelogr., part. II, cap. XXI, quæst. II.
- ↑ (*) Liv. IV, chap. III.
- ↑ (*) Dæmonomagiæ, quæst. XVI.
- ↑ (*) Differentia CLVI.
- ↑ (*) Lib. IV, adversùs Astrolog., cap. VIII.
- ↑ Cela paraît par toutes ses Œuvres et principalement en la différence clvi de son Conciliator. Naudé, Apologie des grands Hommes, pag. 384.
- ↑ Naudé, Apologie des grands Hommes, pag. 384.
- ↑ Naudé, Apologie des grands Hommes, pag. 386. Cette inscription est dans Tomasin, in Elog. illustr, Virorum, pag. 23.
- ↑ Là même, pag. 388.