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ANABAPTISTES.

tre d’Amsterdam, se chargea de cette composition et la commença : il l’interrompit quand il fut professeur en théologie à Leide, et il allégua des raisons dans le synode d’Alcmaër, l’an 1605, qui ne lui permettaient pas de s’appliquer à un tel ouvrage. Le synode d’Enchuyse, l’an 1624, commit deux ministres à examiner les Confessions des mennonites, et à discuter les controverses. L’un d’eux étant resté seul, l’an 1626, demanda un nouveau second ; on lui accorda Doreslaar, au synode d’Amsterdam, en 1628. Ils s’appliquèrent diligemment à leur commission, et publièrent en flamand un très-bon livre, l’an 1637. C’est un corps de controverses anabaptistiques, où les variations de ces gens-là sont marquées exactement[1]. L’auteur, qui narre ces choses, observe que les églises prennent garde, conjointement avec le bras séculier, que cette secte ne s’agrandisse : elles sont en sentinelle, dit-il, pour la réprimer si elle produit de nouvelles branches ou si elle veut sortir hors de ses limites : Pro coërcendis aut noviter pullulantibus aut sua pomœria extendentibus juxta cum politicis etiam ecclesiæ vigilant[2]. Il ajoute que les synodes de Frise ne cessent de solliciter les états de la province à exécuter et à renouveler l’édit qui fut publié contre les anabaptistes, l’an 1598, et qu’on en presse principalement l’exécution à l’égard des nouvelles assemblées, et des nouveaux lieux d’exercice que cette secte ose former. Il ajoute que le synode des anabaptistes, tenu à Haerlem au mois de juillet 1649, ayant fait connaître qu’ils avaient dressé plusieurs nouvelles églises, c’est aux pasteurs orthodoxes à chercher les voies de réprimer ces innovations ; et d’autant plus qu’on se peut fonder sur un édit de l’an 1651, par lequel leurs hautes puissances ordonnent qu’il faut mettre les sectes à la raison, et ne leur permettre pas de se répandre : Sectas cohibendas atque in ordinem redigendas, neque permittendum in plura loca quàm hodiè sint diffundantur [3]. C’est ainsi qu’en France l’on interdisait les lieux d’exercice dont ceux de la religion ne pouvaient pas faire voir qu’ils eussent joui au temps des édits. Voyez la Politica Ecclesiastica de Voetius[4], où il examine si cette secte doit être tolérée : il use de distinction ; mais il penche beaucoup sur la négative, généralement parlant.

(I) M. van Beuning raisonna un jour sur la tolérance qu’on accorde à cette secte en Hollande avec M. de Turenne. ] M. de Turenne, étant en carrosse avec cet ambassadeur, lui témoigna qu’il désapprouvait la tolérance que les États Généraux avaient pour tant de sortes de religions. Je n’ai que faire de dire ici ce que l’on conte que M. van Beuning lui répondit à l’égard des autres sectes ; je me contente de rapporter ce qui concerne les mennonites : « Pourquoi voudriez-vous, dit-il, qu’on ne les tolérât pas ? Ce sont de si bonnes gens, et les plus commodes du monde : ils n’aspirent point aux charges ; on ne les rencontre point sur sa route lorsque l’on est ambitieux ; ils ne nous traversent point par leur concurrence et par leurs brigues. Il serait à souhaiter que par tout le monde la moitié des habitans se fît un scrupule de songer aux dignités : l’autre moitié y parviendrait avec moins de peine, et sans employer tant d’artifices et de bassesses, et tant de moyens illégitimes. Nous ne craignons point la rébellion d’une secte qui met entre les articles de sa foi, qu’il ne faut jamais porter les armes. Quel repos d’esprit pour un souverain, que de savoir qu’une telle bride empêchera les mutineries de ses sujets, quelque chargés qu’ils puissent être d’impôts et de tailles ? Les mennonites paient leur part de toutes les charges de l’état. Cela nous suffit : avec cela nous levons des troupes qui rendent plus de service qu’ils n’en rendraient en s’enrôlant. Ils nous édifient par la simplicité de leurs mœurs : ils s’appliquent aux arts, au négoce, sans dissiper par le luxe et par la débauche leur patrimoine ou les biens qu’ils gagnent. On n’en use pas ainsi dans les autres communions : les voluptés et les dépenses de la vanité y sont une source continuelle

  1. Idem, ibid., pag. 395, 396.
  2. Idem, ibid., pag. 391.
  3. Idem, ibid., pag. 392.
  4. Au livre IV de la Ire. partie, pag. 538 et suiv.