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ANABAPTISTES.

ensuyvre les bons rois, comme [* 1] Ezechias et Josias, lesquels ont premier rejecté hors de leur terre toutes idolâtries, et quant et quant ont réformé la vraye religion : ainsi devroyent-ils faire prescher la vraye doctrine apostolique publiquement ; lors quand cela se feroit, je croy qu’il ne seroit jà besoin de tant de feu pour mettre à mort ces povres simples gens séduicts[1]. Ensuite il prouve par des exemples que des gens qui ne souffraient pas pour justice ont fait paraître un très-grand courage. Il allègue le mauvais brigand, les esséniens, les circoncellions, les martyrs papistes, ariens, mahumétistes, les philosophes Zénon et Socrate. Mais il ne dit rien qui insinue que les martyrs anabaptistes souffraient la mort pour avoir porté les armes contre l’état ou excité les sujets à se révolter. Il représente leurs martyrs comme des gens simples. Voyez ce que je citerai ci-dessous de George Cassander.

Notez, en passant, que cet auteur réfute ses adversaires tout comme les catholiques réfutaient les protestans. La première marque, dit-il[2], par laquelle ils trompent et séduisent beaucoup de gens, c’est quand sans sens, jugement, ni raison, ils allèguent une infinité de textes de l’Escriture saincte à tort et à travers, tout ainsi comme s’ils avoyent mangé la Bible, combien que néantmoins le plus souvent ils ne cognoissent pas un A, pour un moullin à vent (comme on dit), les povres gens demeurent là tout court, estans ravis en admiration d’ouïr tant d’Escriture, et pensent avoir de grands docteurs entre mains. Mais je prie tels simples gens de penser qu’il n’y a jamais eu hérésie au monde qui ne se soit tousjours servie de l’Escriture, la corrompans et destournans pour la faire servir à maintenir leurs blasphesmes, combien que toutesfois l’Escriture ne donne point d’occasion d’erreur et hérésie : mais elles viennent par le contraire, comme dit Christ [* 2] : ce que vous errez, n’est-ce pas par ce que vous ne sçavez les Escritures ? Quant à la seconde marque, par laquelle les anabaptistes séduisoient et subvertissoient les cœurs des simples, qui étoit la saincteté contrefaicte, il prouve par des exemples qu’elle est bien souvent le caractère des faux docteurs. Il est certain que les catholiques avaient à répondre à ces trois difficultés : 1°. que les protestans ne parlaient que de la Bible, et qu’ils la citaient éternellement ; 2°. qu’ils condamnaient les danses, le luxe des habits, le cabaret, etc. ; 3°. que plusieurs d’entre eux mouraient constamment pour leur religion. On réfutait ces difficultés tout comme l’auteur protestant que je cite les a réfutées. Ceci nous montre de plus en plus le préjudice que la secte des anabaptistes apportait aux protestans ; car il la fallait réfuter par des raisons que les papistes faisaient valoir contre ceux qui les avaient employées.

Au reste, il y a dans le Martyrologe de Genève quelques personnes qui étaient anabaptistes. Notez que ceux-ci ont publié deux Martyrologes, l’un à Haerlem, l’an 1615 ; l’autre à Horn, l’an 1617. Ces deux ouvrages ont fait éclater la discorde des anabaptistes ; car ceux de Horn ont critiqué[3] le Martyrologe de ceux de Haerlem, comme un ouvrage où l’on avait procédé de mauvaise foi. En répondant à cette censure[4], on se servit de la voie de récrimination : on accusa les compilateurs du Martyrologe de Horn d’y avoir fourré des gens qui avaient souscrit à la confession des réformés quant à l’article de l’incarnation de Jésus-Christ[5]. Le principal compilateur du Martyrologe de Horn se nommait Jacques Outerman. La préface de ce livre n’est pas moins injurieuse aux luthériens et aux calvinistes qu’aux papistes. Ils y sont tous accusés de tyrannie[6].

(G) Personne n’a parlé de cette secte aussi équitablement que George Cassander. ] Il dit que les mennonites faisaient paraître un bon cœur, un cœur pieux, et qu’ils s’écartaient de la foi par un faux zèle, beaucoup plus que

  1. (*) IIe. Paralip. XXX et XXXV.
  2. (*) Marc, XII, 24.
  1. Racine, Source, etc., des Anabaptistes, pag. 9.
  2. Racine, Source, etc., des Anabaptistes, pag. 5.
  3. Dans la préface de l’édition de 1626.
  4. On y répondit dans un ouvrage flamand imprimé à Haerlem l’an 1630, et composé par Hans Alenson.
  5. Ottius, Annal. Anabapt. ad ann. 1615, num. 6, pag. 233.
  6. Idem, ibid., ad ann. 1626, num. 2, p. 251.