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ANTIPATER.

d’Origène, qu’on disait qu’il se faisait des miracles dans ce temple d’Antinoüs [1]. C’est là où Saumaise pose le prétendu oracle de cette fausse et ridicule divinité. Licet in multis, dit-il [2], Græciæ urbibus templa et sacerdotes habuerit Antinoüs, præcipuè tamen eum coluisse videntur Ægyptii in eâ urbe quæ ab ipso nomen accepit ; nam ibi sepultus est, ibi oracula per eum reddi credebantur, ibi et prophetas habuit.

Ce qui concerne l’oracle est attesté par Origène [3], si on lit le passage comme Saumaise l’a cité : Πνεῖν θεήλατον ἀπὸ τοῦ Ἀντινόου πνοὴν [4]. Voyez aussi Scaliger sur Eusèbe, num. 2145, où il ne cite pas comme Saumaise, quoique Spencer l’assure à la page 44 de ses notes sur Origène contre Celsus. Voici ce qui m’a fait dire que c’était un oracle prétendu. Je me souvenais de ces paroles de Spartien : Et Græci quidem volente Adriano eum consecraverunt, oracula per eum dari asserentes quæ Adrianus ipse composuisse jactatur [5].

(E) Hadrien était bien aise qu’on lui dit qu’un nouvel astre était l’âme d’Antinoüs. ] On s’était déjà servi d’une semblable flatterie à l’égard de Jules César : Ludis quos primo consecratos ei hæres Augustus edebat, stella crinita per septem dies continuos fulsit, exoriens circa undecimam horam, creditumque est animam esse Cæsaris in cœlum recepti, et hâc de caussâ simulacro ejus in vertice additur stella [6]. Ovide a fini ses métamorphoses par celle de l’âme de César en astre :

Vix ea fatus erat, mediâ cùm sede senatûs
Constitit alma Venus nulli cernenda, suique
Cæsaris eripuit membris, nec in aera solvi
Passa recentem animam, cœlestibus intulit astris.
Dumque tulit, lumen capere atque ignescere sensit,
Emisitque sinu. Lunâ volat altiùs illa,
Flammiferumque trahens spatioso limite crinem
Stella micat.
Ovid., lib. XV., Metam., vs. 843.


Avant cela, les poëtes grecs avaient mis en usage cette invention pour les cheveux de Bérénice. L’empereur Hadrien était trop savant, pour ne savoir pas tout cela ; et néanmoins il se paya d’une flatterie qui ne pouvait plus avoir la grâce de la nouveauté. À quoi songèrent ceux qui ne mirent ce mignon qu’au plus bas étage du ciel ? Il y en eut qui ne le placèrent que dans le globe de la lune : Πῶς ὁ τεθνεὼς Ἀντίνοος μειράκιον ἐν τῇ σελήνῃ ὡραῖον καθίδρυται [7] ; Quomodò Antinoüs speciosus adolescens qui obiit collocatus est in lunâ ?

(F) Prudence a finement observé qu’Antinoüs était monté à une condition plus relevée que celle du mignon de Jupiter. ] Ses vers méritent d’être rapportés plus correctement que ne les rapportent les sieurs Tristan dans ses Commentaires historiques sur les médailles des empereurs romains [8], et Moréri dans son Dictionnaire historique. Les voici donc, selon l’édition de Nicolas Heinsius :

Quid loquar Antinoum cœlesti in sede locatum ?
Illum delicias nunc divi Principis : illum
Purpureo in gremio spoliatum sorte virili
Hadrianique dei Ganymedem, non cyathos Dîs
Porgere, sed medio recubantem cum Jove fulcro
Nectaris ambrosii sacrum potare lyæum,
Cumque suo in templis vota exaudire marito [9] ?


  1. Origen., adversùs Celsum, lib. III, pag. 132.
  2. Salm., in Spart. Vit. Adriani, pag. 143.
  3. Origen., contra Celsum, lib. III, pag. 232.
  4. Salmasius, in Spartani Vit. Adriani, pag. 143.
  5. Spartianus, in Adriano, pag. 137.
  6. Sueton., in Cæsare, cap. LXXXVIII. Voyez les Pensées diverses sur les comètes, pag. 219.
  7. Tatian., Orat. contra Græcos, pag. 149.
  8. Tristan, Comment. Hist., pag. 542.
  9. Prudent., contra Symmach., lib. I, vs. 271.

ANTIPATER, Iduméen de nation (A), illustre par sa naissance (B), par ses richesses, et par son esprit, profita habilement des confusions où la discorde d’Hyrcan et d’Aristobule plongea la Judée. C’étaient deux frères, qui se disputaient la souveraine sacrificature. Antipater embrassa avec chaleur le parti d’Hyrcan, et y engagea de telle sorte Aretas roi des Arabes, et puis Pompée