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ANABAPTISTES.

que l’entreprise de la réformation avait produites si promptement, on était tenté de croire que ce n’était point l’ouvrage de Dieu. Cela, sans doute, retarda beaucoup les progrès de la réforme. Il ne faut pas s’étonner que les ministres aient dit que c’étaient-là les profondeurs de Satan, et que l’ennemi de notre salut s’était servi de cette ruse, pour maintenir son empire, contre les nouveaux apôtres que Dieu avait suscités[1]. Ce langage coule naturellement des hypothèses théologiques. Les controversistes du parti romain se prévalurent de la conjoncture avec une adresse extraordinaire, pour décrier la réformation, et pour animer contre elle toutes les puissances. Mais les réformateurs ne furent pas moins vigilans, pour se garantir de l’opprobre sous lequel on voulait les envelopper. Ils crièrent de toute leur force contre les anabaptistes : ils les réfutèrent par écrit ; ils les engagèrent à la dispute partout où ils purent : Ut labem istam sibi æquè ac doctrinæ Evangelicæ adspersam abstersum irent heroës illi, qui in Templo Dei remetiendo fidem ac integritatem suam et Dei causam publicis scriptis sibi agendam censuêre. Quod inter alios alacriter præstitêre Lutherus, Melanchthon, Zwinglius, Bullingerus, Menius, Regius, alii, et in seditiones et seditiosos graviter invecti, subditos perduelles, de suo erga potestates superiores officio, ex Dei verbo monendo, tribunitios illos concionatores perstringendo, et omnes ad quietem et debitam principibus suis reverentium hortando, nihil reliqui fecêre, ut impetum hominum ad scelera et cruces furibundis animis ruentium sufflaminarent. Lutherus vel imprimùs concitatior non παραινετικὰ tantùm scripta contra seditiosos, verùm etiam ςηλιτευτικὰ emisit, et peculiari Libello contra Latrones et homicidas Rusticos vulgato ipse classicum in illos cecinit, principes hortatus, ut vi et armis latrociniorum istorum impetum sisterent, et eos ad quietum cogerent, qui persuaderi nollent[2]. Le ministre, qui me fournit ce latin, nomme quelques villes où ces sectaires furent confondus dans des disputes publiques ; mais son refrein est toujours, qu’après cela les magistrats firent leur devoir. Il nous conte qu’à Zurich les chefs des anabaptistes, ayant disputé trois fois à leur confusion avec Zuingle[3], furent condamnés à se taire par un édit solennel : Senatus Tigurinus solemni edicto pædobaptismum sancit et anabaptismi doctoribus silentium et quietem imperat[4]. Balthasar Hubmeyer, l’un d’eux, ayant promis de se rétracter publiquement, et ayant au contraire prêché ses erreurs, fut contraint à l’abjuration, et puis chassé de la ville [5]. Et parce que cette secte se multipliait de jour en jour, en dépit de tous les obstacles, on recourut à des remèdes plus violens. Le sénat fit un édit qui condamnait à la mort les docteurs anabaptistes, et à de grosses amendes ceux qui leur donneraient retraite : Capitis pœna in anabaptistarum doctores deoreta, et gravibus in eorum receptatores mulctis[6]. Cette ordonnance fut faite l’an 1530. Œcolampade disputa dans Bâle avec ces hérétiques, l’an 1525, l’an 1527 et l’an 1529. Il soutint très-bien sa cause ; mais il ne surmonta point l’opiniâtreté de ces gens-là. C’est pourquoi les magistrats les réprimèrent de telle sorte que l’église recouvra la paix : Causæ quident abundè satisfecit, actoribus verò pervicacibus non item ; ità in prudentissimi senatûs, et strenui gloriæ divinæ vindicis, in anabaptistarum sectariis coërcendis authoritate, Ecclesiæ Basiliensis tranquillitati simul et puritati consulendum ibidem fuerit[7]. On les réfuta à Berne, dans une dispute publique, l’an 1527 ; mais ils disaient en secret que leurs raisons leur semblaient encore bonnes. Afin donc que le triomphe de la vérité fût plus authentique, on ordonna une autre dispute, l’an 1532 : elle dura neuf jours. On en publia les actes : cela servit de beaucoup ; mais les édits rigoureux du sénat de Berne furent sans comparaison plus utiles[8]. Ces brouillons eussent établi à Saint-Gal leur

  1. Voyez la Remarque (KK) de l’article Mahomet.
  2. Spanhem. de Orig. Anabaptist., pag. 198.
  3. En janvier, mars et novembre 1525.
  4. Spanhem. de Origine Anabaptistarum, pag. 202.
  5. Idem, ibid.
  6. Idem, ibid.
  7. Id., ibid., pag. 203.
  8. Id., ibid., pag. 203, 204.