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ANTINOUS.

inspiceret exta puerilia et excuteret hostias ad ritum gentilem suum [1]. La magie de ces siècles-là demandait de ces sortes de victimes, et saint Justin remarque qu’elle choisissait des enfans dont la pudicité fût immaculée. Νεκυομαντεῖαι μὲν γὰρ καὶ αἱ ἀδιαϕθόρων παίδων ἐποπτεύσεις [2]. Necyomantiæ ipsæ et incorruptorurn puerorum speculariæ inspectiones. Sur ce pied-là, Antinoüs eût été un sujet fort mal propre. Revenant à Hadrien, je dis qu’on doit, ce me semble, supposer 1°. qu’il ne consentit à immoler son mignon, que pour le besoin le plus pressant ; 2°. que le désir d’éviter la mort était pour lui une chose plus pressante, que l’envie de pénétrer dans l’avenir : j’aimerais mieux donc suivre Aurélius Victor que Xiphilin. Voici ce que dit Aurélius Victor : Quæ quidem alii pia volunt religiosaque, quippè Hadriano cupiente fatum producere, cùm voluntarium ad vicem magi poposcissent, cunctis retractantibus, Antinoum objecisse se referunt [3]. Joignez à cela, si vous voulez, ces paroles de Spartien : De quo (Antinoo) varia fama est, aliis eum devotum pro Hadriano asserentibus [4].

(C) On lui bâtit des temples et des autels..… avec l’empressement d’une nation accoutumée aux plus honteuses flatteries. ] Casaubon met entre les basses complaisances que l’on eut pour la passion d’Hadrien ce que fit le poëte Pancrates [5]. Or voici ce qu’il fit. Il montra comme un miracle à Hadrien, une fleur de lotos, qui était semblable à une rose, et lui dit qu’il fallait la nommer Antinoïenne ; et qu’elle était née dans le lieu qui avait été arrosé du sang du lion que lui Hadrien avait tué à la chasse. L’empereur prit tant de plaisir à ce discours, qu’il ordonna une pension à Pancrates dans le musée d’Alexandrie [6]. Athénée n’explique point pourquoi ce poëte voulait que le nom d’Antinoüs fût donné à cette fleur ; mais on devine aisément que l’intention de Pancrates était d’honorer la mémoire de ce favori. J’ai cru pendant quelque temps que ce passage d’Athénée avait donné lieu au mensonge du sieur Moréri, que j’ai rapporté sur la fin de cet article ; mais j’ai changé d’opinion, après avoir lu ces paroles d’un auteur moderne : Hadrian... donna le nom de ce misérable (Antinoüs) à une ville d’Égypte... comme aussi il le conféra à un astre, à une fleur, à des temples, à des sacrifices, à des oracles et à des jeux de prix, bref en fit un dieu [7]. Ceux qui compareront ce passage avec l’Antinoüs de Moréri, pourront juger si cet écrivain se savait servir des livres qu’il consultait.

(D) Hadrien fit rebâtir la ville où Antinoüs était mort, et il ordonna qu’elle portât le nom de ce favori. ] J’ai suivi le traducteur de Xiphilin, qui ne parle que d’une ville réparée, quoique Xiphilin se soit servi du mot συνοικίσαι. D’autres, n’y regardant pas de si près, disent qu’Hadrien bâtit une ville, qui porta le même nom qu’Antinoüs : Πόλιν ἔκτισεν ἐπώνυμον Ἀντινόου [8]. Urbem condidit Antinoo cognominem. Elle était dans la Thébaïde et se nommait anciennement Besa, qui était aussi le nom du dieu particulier qu’on y adorait. Casaubon l’assure [9], et remarque que les Égyptiens, laissant aux Grecs le nouveau nom, continuèrent de l’appeler Besa ; mais il se trouva des gens qui, par l’union de l’ancien et du nouveau nom, la nommèrent Besantinoüs. C’est ce que fit Helladius, qui y était né [10]. N’oublions pas que le tombeau d’Antinoüs y était. Nous l’apprenons de ces paroles de saint Épiphane : Ὡς ὁ Ἀντίνοος ὁ ἐν Ἀντινόου κεκηδευμένος καὶ σὺν λουσορίῳ πλοίῳ κείμενος ὑπὸ Ἀδριανοῦ κατετάγη [11]. Ad hunc modum Antinoüs in urbe sui nominis cum lusorio navigio sepultus ab Adriano in Deorum numerum relatus est. Nous apprenons

  1. Lampridius, in Vitâ Heliogab., cap. VIII.
  2. Justin., in Apologiâ, pag. 65. Voyez Saumaise sur Spartien in Adriano, pag. 136, et Apulée, in Apologiâ, pag. 301.
  3. Aurel. Victor, in Cæsaribus.
  4. Spartian., pag. 135.
  5. Casaub., in Spart. Vit. Adriani, pag. 137.
  6. Athen., lib. XV, cap. VI, pag. 677.
  7. Tristan, Comment. hist., tom. I, pag. 541.
  8. Hegesippus, apud Euseb., Hist. Ecclesiast., lib. IV, cap. VIII. Voyez aussi Ammien Marcellin, liv. XXII, chap. XVI.
  9. Casaubon., in Spart. Vit. Adriani, pag. 138.
  10. Vide Photium, Biblioth., pag. 1596.
  11. Epiph., in Ancorato, num. 108.