Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/134

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
124
ANTÉSIGNAN.

qui sont les armes de Rabasteins [1], me persuadent que Papyre Masson, ou les imprimeurs, ont mis la lettre u pour la lettre a.

(B) Il aima mieux se rendre utile à la jeunesse... que de chercher de la gloire par l’explication des grandes difficultés. ] Qu’il nous apprenne cela lui-même : rapportons un peu au long ses paroles ; elles marquent un bon cœur, et peuvent être une leçon de morale aux esprits superbes, qui ne songent qu’à mériter l’applaudissement de leurs semblables, et qui ne dirigent point leurs veilles au profit de ceux qui ont le plus besoin d’être enseignés. Il venait de dire que plusieurs doctes commentateurs avaient écrit sur Térence ; et puis il ajoute : Verùm pueri novitii, ad quos maximè hujus laboris fructus pertinebat, vix ullum ex accuratis et meditatis istorum commentationibus emolumentum percipere potuerunt. Videntur enim viri illi graves incubuisse in eam curam et cogitationem, quæ sibi summam dignitatem et gloriam esset allatura. Itaque ardua tantùm et obscuriora interpretando explanâsse contenti, minutiora cætera, quorum doctrina et tractatio præcedere, vel certè conjungi debuerat, leviter attigerunt : ut adolescentuli qui his studiis initiantur, se ad cognitionem hujus rei, quam ex communi quâdam hominum opinione reconditissimam arbitrantur, desperent posse pervenire. Ut igitur eos ab hujusmodi desperatione ad spem revocarem, ad minima ista me demittere non recusavi : neque enim hìc difficilia tantùm enodavimus, sed ne una quidem totius Terentii syllabam reliquimus intactam, quam ad unguem non excusserimus, idque absque ullâ verborum pompâ aut magnificentiâ, sed nudis litterarum notis, et methodo quâm potuimus brevissimâ et facillimâ. Doctrinæ opinionem affectent alii : ego pro meâ virili parte me puerorum et formandis et promovendis studiis omnem meam operam addixisse opertè et ingenuè fateor [2]. Conférez avec ceci, je vous prie, le passage de Quintilien que j’ai cité dans le Projet de ce Dictionnaire [3], et joignez-y ces belles paroles d’Érasme ; elles se rapportent à la peine qu’il avait prise d’amplifier un Lexicon : Scimus hoc laboris genus esse minimè gloriosum, præsertim quùm pauci reputant quot autores sint excutiendi, ut voces aliquot ab aliis præteritas seligas. Verùm hoc plus debetur illis gratiæ, qui publicæ utilitatis gratiâ non detrectant ingloriam ac molestiæ plenan industriam [4].

(C) Il a acquis assez de réputation pour s’attirer les morsures de l’envie. ] C’est ce qu’il marque par un lieu commun que l’on insère trop souvent dans les épîtres dédicatoires. Il dit que ceux à qui il dédie son Térence lui ont paru extrêmement propres à le garantir de la morsure de ses ennemis : Digni maximè atque idonei videbamini qui nostra à malevolorum morsu fortiter et industriè tutari possetis [5]. Il n’y a guère de complimens qui soient plus faux que ceux-là. Les critiques n’ont aucun égard à la dignité ni à la capacité de celui à qui l’on dédie un livre qui leur semble mauvais. Le sieur Des Accords s’est bien moqué de ces belles espérances que l’on fonde sur la prétendue protection de ceux à qui l’on dédie des livres [6]. D’Aubigné trouva si bonnes les réflexions de cet auteur-là, qu’il s’en fit un ornement, après les avoir un peu ajustées d’une autre manière [7].

(D) Ce qu’il publia sur Térence nous doit convaincre que c’était l’homme du monde le plus patient au travail. ] Il fit imprimer en trois façons les comédies de ce poëte. Premièrement, il les publia avec de petites notes, et avec les sommaires de chaque scène, et il marqua les accens à tous les mots qui ont plus de deux syllabes : il marqua aussi à côté de chaque vers la manière de le scander. En second lieu, il les publia avec les no-

  1. Catel, Mémoires de l’histoire de Languedoc, pag. 356.
  2. Petrus Antesignanus, Epist. dedicator. Terent., init.
  3. Voyez la fin du paragraphe VII de ce Projet, dans le tome XV de ce Dictionnaire.
  4. Erasm., præfatione in Lexicon : c’est la XXIe. lettre du XXVIIIe. livre, pag. 1702. Voyez aussi la fin du Ier. chap. du XVIIIe. livre de l’Hist. Nat. de Pline.
  5. Antesign., epistol. dedic. Terentii.
  6. Voyez la préface des Bigarrures de Des Accords.
  7. Voyez l’Epître dédicatoire de la Confession de Sanci.