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ANNE.

Il ne se contentait pas de servir la cause par l’oreille du prince, il la voulait soutenir aussi par sa plume, jusqu’à la dernière goutte de son encre.

N’oublions pas les éloges qu’on lui a donnés dans une Réponse aux Lettres Provinciales de M. Pascal, réimprimée en Hollande l’an 1696 [1] : « Mais, touchant les jésuites qui se hasardèrent à écrire contre Pascal, que vous semble du père Annat, qui est l’auteur du livre intitulé, la Bonne Foi des Jansénistes, et à qui la dix-septième et la dix-huitième Provinciale sont adressées ? Le père Annat, répondit Cléandre, était, à mon avis, un très-bon esprit : les jésuites ne firent rien de meilleur que ce qui parut de lui sur les matières dont on disputait en ce temps-là. Ce bon homme (car je l’ai toujours connu tel, et c’était la modestie même) avait du talent pour écrire, même en français, s’il s’était un peu plus appliqué à l’étude de notre langue. Il lui échappe de temps en temps des traits aussi fins, aussi vifs et aussi agréables que j’en aie vu nulle part. Je suis de votre sentiment, reprit Eudoxe ; et sans parler de sa vertu, que j’ai entendu louer, même à des gens du parti, je lui ai trouvé, comme vous, beaucoup de justesse d’esprit, et quelquefois une finesse d’expression et de raillerie extraordinaire dans un théologien scolastique. »

  1. Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe, pag. 79, 80, édition de Hollande.

ANNE, nom de quelques personnes, dont il est parlé dans l’Écriture. La mère du prophète Samuel s’appelait Anne : c’était une femme fort pieuse, et fort aimée d’Elkana son mari. Elle était stérile, et ce malheur l’affligeait d’autant plus sensiblement, qu’elle se voyait exposée par-là aux railleries et aux insultes de l’autre femme d’Elkana. Elle fit tant de prières à Dieu, pour avoir un fils, qu’elle fut enfin exaucée [a] ; car Dieu lui donna Samuel, et ensuite trois fils et deux filles [b]. Le livre de Tobie, livre apocryphe chez les protestans, fait mention d’Anne, femme de Tobit, et mère de Tobie. Dans l’Évangile de saint Luc, il est fait mention d’Anne la prophétesse, fille de Phanuel [c]. C’était une femme fort dévote, âgée d’environ quatre-vingt-quatre ans, et qui n’en avait vécu que sept avec son mari. Baronius en a fait une religieuse cloîtrée, et s’est trompé en cela (A). L’Évangile fait aussi mention d’un homme qui s’appelait Anne, et qui était souverain sacrificateur parmi les Juifs, au temps de Notre Seigneur. Son gendre Caïphe avait la même dignité, quand Jésus-Christ fut mis à mort. Quant à sainte Anne, mère de la Sainte Vierge, et la plus célèbre de toutes les femmes de ce nom parmi les catholiques romains, elle ne paraît ni en blanc ni en noir dans l’Écriture. Les écrits des trois premiers siècles de l’Église n’en font aucune mention. Saint Épiphane est le premier qui ait dit quelque chose d’elle ; et néanmoins les siècles suivans ont débité une fort longue légende de sainte Anne, comme ou le verra dans l’article de saint Joachim son mari. Je m’étonne qu’Érasme n’ait trouvé dans les anciens livres que trois femmes nommées Anne (B).

  1. Ier. livre de Samuel, chap. I.
  2. Là même, chap. II, vs. 21.
  3. Saint Luc, chap. II, vs. 36.

(A) Baronius a fait une religieuse cloîtrée d’Anne, fille de Phanuel, et s’est trompé en cela. ] Rapportons ses paroles : Quomodò autem Anna nunquàm à templo discessisse dicatur, ut meritò camdem S. Cyrillus Hierosolymitanus [* 1] religiosissimam ma-

  1. (*) Cateches. X.