Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
107
ANDRONICUS.

vil prix le meilleur de ses ouvrages. ] Suétone le traite d’opuscule. Opusculum, dit-il [1], Annalium elenchorum. Le titre devait donc être Elenchi Annalium. Il y a de bons manuscrits de Suétone qui ont cette leçon : Opusculum suum Annalium Ennii elenchorum [2]. Achille Statius [3], et Vossius [4], se déclarent pour cette leçon, et ils font bien ce me semble. De quelque façon qu’on lise, on peut connaître qu’Andronicus avait censuré quelque annaliste.

(C) M. Moréri a commis ici bien des fautes. ] 1°. Il a dit Pompinius, au lieu de Pompilius ; 2°. il avance faussement qu’Andronicus avait été précepteur de Jules César ; et que Cicéron, étant déja préteur, se faisait un grand plaisir d’être du nombre de ses auditeurs ; 3°. il traduit Annalium Elenchi, par des Annales disposées en tables ; 4°. il dit que quelques-uns ont attribué ces tables à Ennius. C’est ainsi qu’il entend ces paroles de Vossius, in quibusdam tamen libris est Annalium Ennii elenchorum ; 5°. il énerve le raisonnement de Suétone. Cet historien avait touché deux circonstances qui prouvaient merveilleusement la pauvreté d’Andronicus : l’une était prise de l’importance de ce qui fut vendu ; c’était le principal ouvrage de l’auteur : l’autre était tirée du vil prix que cet ouvrage fut vendu. M. Moréri croyait tout dire par ces paroles : Il était si pauvre, qu’il fut contraint, pour subsister, de vendre un petit traité qu’il avait composé. Comment ne voyait-il pas qu’il ôtait presque toute la force à la preuve de l’historien latin ? On ne sera pas fâché de savoir d’où est venue sa seconde faute qui comprend deux ou trois insignes faussetés. Il n’a point compris le raisonnement de Vossius. Il s’agissait de prouver qu’Andronicus avait vécu au temps de Sisenna, de Quadrigarius et de quelques autres. Vossius le prouve par la raison qu’Antoine Gniphon et Andronicus ont vécu en même temps, et que ce Gniphon, au rapport de Suétone, enseignait dans la maison de Jules César, et eut Cicéron pour auditeur. Il enseigna dans la maison de Jules César, lorsque Jules César n’était encore qu’un enfant : Cicéron, déjà prêteur, l’allait entendre. Voilà deux circonstances de temps que Vossius emprunte de Suétone, pour établir l’âge de Pompilius Andronicus, en y joignant cet autre fait attesté par Suétone ; c’est qu’Andronicus, et Gniphon tinrent école en même temps. M. Moréri s’est égaré au milieu du plus beau chemin : il a entendu d’Andronicus ce que Vossius disait de Gniphon. Il a cru d’ailleurs que tenir école dans la maison d’un homme, ne soit autre chose qu’être précepteur de son fils.

  1. Sueton., de illustr. Grammat., cap. VIII.
  2. Vide Casaubonum in hunc Suetonii locum.
  3. In Sueton., ibidem.
  4. De Histor, Latin., pag. 47.

ANDRONICUS, de Thessalonique, fut un des Grecs fugitifs qui portèrent l’érudition en Occident au XVe. siècle. Il passait pour le meilleur professeur après Théodore Gaza, et peut-être même qu’il le surpassait dans l’intelligence de la langue grecque ; car il avait lu tous les auteurs qui avaient écrit en cette langue, et il entendait fort bien la philosophie d’Aristote. Il enseigna dans Rome, et il y était logé chez le cardinal Bessarion. Les gages qu’on lui donnait furent si petits, que la misère l’obligea à sortir de Rome. Il s’en alla à Florence : il y fut professeur assez long-temps, et s’attira un grand nombre d’auditeurs ; mais comme il espérait de trouver en France une meilleure fortune, il s’y transporta, et y mourut peu après dans un âge très-avancé. Il prononçait mal, et il ne se mêlait d’autre chose que de ses études [a]. Platine lui donne l’éloge d’avoir très-bien su et le grec et le latin [b]. On

  1. Græcâ et latinâ linguâ apprimè eruditus. Platina, in Panegyric. Bessarionis.
  2. Tiré de Volaterran, lib. XXI, pag. 775.