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ANDRONICUS.

nihil lucidius ? Cette dernière preuve me semble faible.

(E) Il a paraphrasé les Catégories et la Physique d’Aristote. ] Simplicius le témoigne en divers endroits de ses Commentaires. Voyez Francois Patricius [1].

(F) Je ne crois pas qu’il ait été le maître de Strabon. ] Je ne sais si les imprimeurs ont oublié quelques mots ou quelques lignes de la copie de Reinesius, ou si Reinesius est le véritable auteur de ces paroles de la page 312 [2]. Amasiæ Magister (Andronicus Rhodius) Strabonis : hic l. xiv. C’est dire que Strabon, dans son XIVe. livre, nous apprend qu’il fut disciple d’Andronicus Rhodius à Amasia. Je trouve bien qu’il fut disciple du grammairien Aristodemus à Nyse [3], et du philosophe péripatéticien Xenarque, dans un autre lieu [4] ; mais je suis fort trompé s’il dit autre chose d’Andronicus, dans son XIVe. livre, que de le compter entre les hommes illustres de l’île de Rhodes [5] ; et j’oserais assurer qu’il n’a dit en aucun lieu de ses ouvrages, ni qu’il ait été disciple d’Andronicus, ni qu’Andronicus ait jamais enseigné dans Amasia.

  1. Discussionum Peripateticar. tom. I, lib. IV, pag. 40, 41.
  2. De ses Lettres à Rupert.
  3. Strabo, lib. XIV, pag. 447.
  4. Idem, ibid., pag. 461.
  5. Idem., pag. 451.

ANDRONICUS (Marcus-Pompilius), Syrien de nation, enseigna la grammaire à Rome. S’attachant trop à étudier la philosophie (A), il ne soutenait pas avec la diligence nécessaire sa profession de grammairien ; de sorte que son école fut négligée. Quand il vit qu’on lui préférait, non-seulement Antoine Gniphon, mais aussi d’autres grammairiens inférieurs à celui-là, il ne voulut plus tenir école, ni demeurer à Rome ; il se retira à Cumes, et employa son loisir à faire des livres. Cette occupation ne le tira pas de la misère ; il était si pauvre, qu’il fut obligé de vendre à un très-vil prix le meilleur de ses ouvrages (B). On avait supprimé cet ouvrage ; mais Orbilius le racheta, et le publia sous le nom de l’auteur : il s’en vanta pour le moins. Andronicus était de la secte d’Épicure, et vivait au temps de Cicéron [a]. M. Moréri a commis ici bien des fautes (C).

  1. Ex Suetonio de illustribus Grammat. cap. VIII.

(A) Il s’attacha trop à étudier la philosophie. ] Les paroles de Suétone sont bien choisies : Studio Epicureæ sectæ, desidiosior in professione grammaticæ habebatur, minùsque idoneus ad tuendam scholam. C’est une leçon à tous ceux qui veulent s’attirer un grand nombre de disciples. Il faut, ou qu’ils s’appliquent tout entiers à leur profession, ou que l’on ne sache pas qu’ils s’appliquent à d’autres choses. Un humaniste, qui veut faire le philosophe, qui est curieux d’expériences physiques, qui examine avec ardeur si Descartes a mieux réussi que Gassendi, court grand risque de voir déserter sa classe. Un médecin fort attaché aux médailles, aux mathématiques, aux généalogies, verra diminuer de jour en jour le nombre de ses malades. C’est pour cela que M. Spon fut bien aise d’apprendre au public que l’on se tromperait fort, si l’on croyait que l’étude de l’antiquariat fût sa principale affaire [1]. Il éprouvait que cette opinion lui faisait grand tort, eu égard à la pratique de la médecine. Il est même indubitable, qu’un professeur, qu’on sait engagé à la composition de plusieurs livres, ne passe pas pour être propre à faire de bons écoliers : on s’imagine qu’il n’en a pas le temps. C’est pourquoi ceux qui chercheraient à s’enrichir par l’instruction de la jeunesse, feraient fort mal de s’engager à être auteurs.

(B) Il fut obligé de vendre à très-

  1. Voyez la lettre qu’il écrivit à l’auteur des Nouvelles de la République des lettres, mois de janvier 1685, article V.