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ARISTOTE

ses profanations ordinaires, que l’éloignement d’Aristote dont nous parlons a été conforme à la morale de l’Évangile, et qu’il fit la même chose, étant poursuivi calomnieusement, que Jésus-Christ conseille à ses disciples[1].

J’ai cité[2] un passage d’Agrippa, où il est parlé d’un livre de Salute Aristotelis. M. Voet, qui avait une si ample connaissance des livres n’avait point vu celui-là ; mais il en savait à peu près l’année de l’impression. Il dit dans une thèse soutenue le 15 de décembre 1638, qu’il y avait 140 ans qu’on l’avait fait imprimer à Oppenheim, et que François Junius en avait vu un exemplaire[3]. Il ajoute qu’un certain Lambertus de Monte, auteur d’un commentaire sur la Physique d’Aristote où, l’an 1486, on le qualifie docteur en théologie, avait écrit du salut de ce philosophe : Quæstionem magistralem satis acutam scripsisse, ostendentem per autoritates Scripturæ divinæ, quid juxta saniorem doctorum sententiam probabilius dici possit de salvatione Aristotelis stagiritæ[4]. Vous trouverez dans un ouvrage de Pietate Aristotelis erga Deum et hominem, que Fortunius Licetus dédia à Innocent X, et qui fut approuvé par deux inquisiteurs généraux, plusieurs raisons par lesquelles il s’efforce de persuader qu’Aristote n’est point damné.

  1. La Mothe-le-Vayer, tom. V, pag. 109.
  2. Dans la remarque (H), citation (65).
  3. Gisb. Voetius, Disputat Theol. tom. II, pag. 602.
  4. Gisb. Voetii Disput. Theolog., tom. II, pag. 602, ex Append. II ad Trithem. De Scriptor. Eccles., edit. Colon. Anni 1546.

(S). Il fut extrêmement honoré dans sa patrie.] Elle avait été ruinée par le roi Philippe ; mais Alexandre la fit rebâtir à la prière d’Aristote. Les habitans, pour reconnaître ce bienfait, consacrèrent un jour de fête à ce philosophe, et, lorsqu’il mourut à Chalcis, dans l’île d’Eubœe, ils transportèrent ses os chez eux ; ils dressèrent un autel sur son monument ; ils donnèrent à ce lieu le nom d’Aristote, et y tinrent dans la suite leurs assemblées[1]. Mandeville dans la fabuleuse relation de ses voyages, dit que tout cela subsistait encore de son temps[2], c’est-à-dire, dans le XIVe. siècle.

  1. Ammonius, in Vitâ Aristotelis.
  2. Mandevil., Itinerar., cap. II, apud Hornium, Hist Phil., lib. III, cap. XV, pag. 197.

(T). Il y a eu des hérétiques qui vénéraient son image avec celle de Jésus-Christ. Je n’ai point trouvé que les antinomiens lui apportassent plus de respect qu’à la sagesse incréée.] Voici un passage du père Rapin[1] « Les carpocratiens furent condamnés pour avoir mis l’image de ce philosophe avec celle de Jésus-Christ, et pour l’avoir adorée avec une extravagance de zèle pour sa doctrine[* 1]. Les aétiens furent excommuniés par l’Église, et par les ariens mêmes, dont ils étaient sortis, parce qu’ils donnaient à leurs disciples les Catégories d’Aristote pour catéchismes[* 2]. Les antinomiens allèrent jusques à cet excès d’impiété, que de porter plus de respect à ce sage païen, qu’à la sagesse incréée[* 3]. » Je n’avais jamais si bien connu qu’en cet endroit-ci, que cet agréable écrivain ne se donnait pas la peine de consulter les originaux. J’avoue que Baronius, sous l’année que le père Rapin cite, dit que les carpocratiens avaient des images, et entre autres celles de Jésus-Christ, (qu’ils disaient avoir été faite par Pilate,) celle de Pythagoras, celle de Platon, celle d’Aristote, et qu’ils leur rendaient la vénération que les païens rendaient aux idoles ; mais cela ne méritait pas d’être allégué, car, outre que Baronius ne dit point que ç’ait été la raison pour quoi on condamna ces hérétiques, il ne parait pas qu’ils aient eu plus de zèle pour la doctrine d’Aristote que pour celle des autres philosophes dont ils vénéraient les images. Mon édition de Baronius[2] ne contient pas un seul mot, sous l’année 208, de ce que le père Rapin raconte. Aussi n’est-il pas possible que des gens qui sont sortis des ariens soient chassés de la communion de l’Église au commencement du IIIe. siècle. C’est sous l’an 356 que Baronius a parlé

  1. * Baronius, Ann. Eccles., ad ann. 120.
  2. * Baronius, Ann. Eccles., ad ann. 208.
  3. * Euseb. Hist., cap. XXVII.
  1. Compar. de Platon et d’Aristote, pag. 392.
  2. C’est celle d’Anvers, en 1597.