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ARISTOTE.

se servait en son temps du nombre de trois aux sacrifices ; ce qui nous est aussi témoigné par Théocrite. » Après cela, Naudé remarque que le cardinal Bessarion (93) se moque de Trapezonce, de ce qu’il avait tant pris de peine, pour prouver par ce texte, qu’Aristote avait une entière connaissance de la Trinité. Les scolastiques Modernes ne démordent pas de ces prétentions. Voyez Piccinardi, professeur à Padoue., dans, ses Dogmata philosophiae peripateticae. Le journal d’Italie en parle sous le 31 d’août 1674.

(Q) .... il fit une belle mort. ] Se sentant proche de sa fin, il versa un torrent de larmes ; et, tout pénétré de douleur et d’espérance, il implora la miséricorde du Souverain Etre. Il approuvait extrémement une sentence d’Homere, qui porte qu’il ne sied pas mal aux dieux de se revêtir de la nature de l’homme, afin d’éclairer le genre humain. C’étaient des pressentimens de l’incarnation du fils de Dieu. Proditum et illud monumentis est, quum philosophus hic extrema sibi ingruere proesensisset, dolore ac spe in lacrymas amplius profusum primoe causoe rnisericordiam intentius implorasse. Quin et Homeri sententiam ex Odyssed vehementer approbasse, qua non esse immortalibus diis indecorum pronunciatur hominis induere naturam, quo ab erroribus sevocentur mortales. Qua in re CHRISTI proesensisse adventum augurantur nonnulli ejus viri gloriae in primis addicti. Voilà ce que nous lisons dans Coelius Rhodiginus (94). Son autorité dans un fait de cette nature ne vaut guère mieux que rien. D’autres parlent bien autrement des dernières heures d’Aristote. « Ils disent qu’il mourut de déplaisir de n’avoir pu comprendre la cause du flux et du reflux de l’Euripe. Sur quoi quelques modernes : ont inventé cette fable, fui depuis a eu cours, que ce philosophe se précipita dans l’Euripe en, disant ces paroles : Que l’Euripe m’engloutisse, puisque je ne puis le comprendre

(95). " Diogène de Laërte cite

(93) Cap. XV, lib. III, adversus Calumnist. Platonis.

(94) Antiq. Lection., lib. XVII, capite XXXIV.

(95) Le père Rapin, Compar. D’Aristote et de Platon.

un auteur nommé Eumelus, qui avait dit qu’Aristote s’étant réfugie â Chalcis s’empoisonna à l’âge de soixante-dix ans (96). Apollodore me parait plus digne de foi : il a dit que ce grand homme mourut de maladie, à l’âge de soixante-trois ans (97).

(R) . . . . il jouit de la félicité éternelle.] Sépulvéda, l’un des plus savans hommes du XVIe, siècle, n’a point hésité à le placer parmi les bienheureux ; il a soutenu publiquement son opinion, et par écrit (98). Le jésuite Gretserus le reprend d’avoir été trop hardi, mais néanmoins il avoue qu’il incline en faveur d’Aristote, aussi‑bien que Sépulvéda, dont il n’improuve en cela que la façon de parler affirmative (99). Joignez à ceci ce que j’ai cité de Caelius Rhodiginus (100), et ce que des gens de poids ont remarqué touchant la raison qui obligea Aristote à sortir d’Athènes. Albert-le-Grand a soutenu qu’on le chassa, à cause de ses bonnes mœurs : propter morum rectitudinem pulsus Athenis (101). Gretserus, dans sa dispute contre Sépulveda, touchant le salut d’Aristote, ne doute point qu’il n’ait voulu éviter par ce bannissement volontaire la nécessité où on voulait le réduire, de rendre à des idoles un culte qu’il croyait n’être dû qu’à Dieu seul (102). Nous avons donc en sa personne un illustre réfugié pour la vraie religion. Origène a favorablement interprété cette fuite d’Aristote (103) ; car, lorsqu’il explique le précepte, que Notre-Seigneur donne à ses apôtres de fuir d’une ville où ils seraient persécutés dans une autre (104) ; il dit à Celsus, qui se moquait de cela avec

Platon, pag. 310, qui cite Justin., in Adom. ad Gentes. Greg. Nat. contra Jul. Voyez aussi Rhodigin., lib. XXIX, cap. VIII. Quant aux citations du père Rapin, voyez la remarque (Z).

(96) Diog. Laërte, in Aristot., num. 6.

(97) Apollod. apud Diogenem Laert., in Aristot., num. 10.

(98) Sepulveda, lib. de Anim. cité par la Mothe-le-Vayer, tom. V, pag. 114.

(99) Gretseras, cité par la Mothe-le-Vayer, la même.

(100) Ci-dessus, citation (94).

(101) Albertus Magnus, Ethic., lib. V, cap. I, cité par Rapin, pag. 310.

(102) Gretserus, de Varia coel. Luth., cap. XIII, cité par la Mothe-le-Vayer, tom. V, pag. 109.

(103) Orig. contra Celsum, liv. II, cité par le même.

(104) Math. Chap. X, op. 27.