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principe d’exagération. La mode de nos vêtements obéit à la même loi. Il n’est pas plus ridicule de se percer le lobule de l’oreille et de l’agrandir jusqu’à ce qu’il tombe sur les épaules, comme le font certaines peuplades nègres, que de porter des corsets à forme spéciale qui astreignent la femme à subir une silhouette factice faite de lignes bizarres et antinaturelles.

Comme nous l’avons écrit au début de ce chapitre, l’idée du beau varie : et s’il varie, c’est parce que cette conception de la beauté féminine n’échappe pas non plus à l’exagération et si nos artistes de la civilisation européenne ont pu dans leurs œuvres se mettre en garde contre des exagérations des formes naturelles, c’est grâce à notre admiration pour l’art antique. Mais les Hindous, par exemple, qui prisent fort comme nous la finesse de la taille et l’élargissement des hanches, ont dans leurs œuvres et leurs statues exagéré à l’extrême limite ces deux caractères.

Et, chose bizarre, le corset qui fausse ainsi notre conception du beau a été engendré par goût d’esthétique et d’idéal. En effet, chez la femme nous trouvons partout des lignes ondoyantes et souples signifiant que celle-ci est faite pour plaire : ces lignes sont celles de la poitrine, les profils latéraux de la taille, la cambrure des reins, le profil de la nuque, les attaches du cou aux épaules. Tout l’art du costume féminin va consister à mettre en valeur ces lignes ; mais l’art de la parure va se trouver aux prises avec l’hygiène, qui lutte dans la vie pour la nature contre la mode. Cet art, pour avoir alors une règle, use d’un stratagème qui est le corset, comptant que le corset n’appartiendra pas à l’hygiène en tant que donné et soumis à la mode, puisque la femme se distingue de l’homme par une poitrine plus saillante, une taille plus fine, un bassin plus large et que le corset accentuera tout cela.

Et c’est ainsi que le corset est parvenu à pervertir l’idée du Beau, en accentuant les lignes féminines et en détruisant leurs justes proportions.

Réveillé-Parise écrit : « Le corset est une insulte à la Nature ». La Beauté se définissant « l’accord expressif d’un tout avec ses