Page:Baur - Maurice Scève et la Renaissance lyonnaise, 1906.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 72 —

Notons ici déjà un rapport singulier entre Marguerite et Maurice Scève : la poésie qui suit ce deuxième sonnet, l’Histoire des Satyres et Nymphes de Dyane n’est qu’une amplification, on pourrait même dire une moralisation dans le sens du moyen-âge d’un épisode de la Saulsaye de Scève, publiée la même année.

C’est en première ligne grâce à l’influence de l’auteur de l’Héptaméron que les Lyonnais ont commencé à cultiver la nouvelle science du platonisme. Lyon n’est point la première ville de France où l’on se soit rallié à cette doctrine. Les premières traductions latines et françaises de Platon qui soient sorties des presses françaises, ont toutes paru à Paris qui a été bien avant Lyon un grand centre de l’humanisme, et c’est seulement à partir des relations entre les Lyonnais et la reine de Navarre que les imprimeurs de la ville commencent à s’occuper dans leurs officines des ouvrages du grand disciple de Socrate. Les premiers humanistes qui leur fournissent des traductions françaises de Platon, sont justement des protégés, des familiers même de Marguerite : Bonaventure Despériers et Etienne Dolet[1]. À partir de ce moment, les éditions lyonnaises de Platon, latines et françaises, vont se suivre avec une rapidité étonnante[2].

Le terrain, il est vrai, ne pouvait nulle part être mieux préparé qu’à Lyon à recevoir la semence du platonisme. Il y avait déjà presque un siècle que la ville était en contact avec les Florentins qui avaient apporté dans leur nouvelle patrie la façon de penser qu’ils avaient acquise à l’Académie de Laurent de Médicis, dans le commerce avec Marsile Ficin et Pic de la Mirandole. Des Vénitiens qui avaient fréquenté les cercles où conversaient Aide Manuce et d’autres savants, apportaient aussi un souffle de la nouvelle philosophie. La joie de vivre et le goût de l’élégance, nés dans de nombreuses fêtes et par le contact avec la cour, donnaient aux Lyonnais le besoin de quitter la vie rude du moyen-âge. Vers 1535, les humanistes de la ville se souvinrent de Platon à tout moment dans leurs vers latins. Et si les libraires lyonnais

  1. Le Recueil des Œuvres de Bonaventure Des Périers (Lyon 1544) est introduit par le Discours de la Queste d’Amytié, dit Lysis de Platon, traduit probablement vers 1541. (Revue d’hist. litt. III p. 13.)

    Deux Dialogues de Platon, l’un intitulé Axiochus qui est des misères de la vie humaine, de l’immortalité de l’âme, et l’autre Hypparchus qui est de la convoitise de l’homme touchant la lucrative, traduictz par Estienne Dolet. Lyon, Dolet 1544. en-16. On sait qu’un passage du premier des deux dialogues a été le prétexte de la condamnation du traducteur.

  2. Omnia divini Platonis Opéra tralatione Marsilii Ficini, etnendatione Simonis Gryncei. Lugduni, apud Ant. Vincentium 1548. — L’apologie de Socrate, traduicte en français par Fr. Hotmann. Lyon, S. Gryphe 1549. — Platoni Opera, Lugduni apud Joh. Tornaesium 1550. — Platonis Gnomologia grceco-latina, per locos communes digesta. (a Nic. Liburnio Veneto). Lugduni apud Tornæsium 1555, 1560, 1582.