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placés presque immédiatement après celui qui est adressé à François Ier et que nous avons daté de 1536[1].

La reine ne resta point insensible aux louanges d’un poète si célèbre dont le caractère sérieux et les rares talents devaient beaucoup lui plaire. Elle lui donna une preuve de son estime et de son amitié, lorsqu’elle fit publier, par son valet de chambre Jean de la Haye (Johannes Sylvius), en 1547, le recueil de ses poésies intitulé : Marguerites de la Marguerite des princesses, très illustre royne de Navarre[2]. À part Jean de la Haye qui a écrit une épître liminaire de 220 vers adressée à très illustre et très chrétienne princesse, Madame la princesse de Navarre, et un poète anonyme qui a placé un sonnet à la fin du premier livre, signé de la devise Amour demourra le maistre, Maurice Scève est le seul qui ait eu l’honneur de joindre de ses vers aux productions littéraires de la révérée princesse, témoignage d’une confiance et d’une estime exceptionnelles. Le premier livre — les Marguerites — , et le second — la Suyte des Marguerites —, ont chacun pour introduction un sonnet signé M. SC, initiales qui ne peuvent se rapporter qu’à Maurice Scève, et leur style ne nous laisse aucun doute sur la personne de l’auteur.

Le premier de ces sonnets s’adresse aux Dames, des vertus de la très illustre et très vertueuse Princesse Marguerite de France, royne de Navarre dévotement affectionnées. C’est Diane, la déesse du mysticisme platonique, qui y chante la princesse, dont l’esprit est semblable à la lumière de la lune par sa clarté douce et tranquille.

Bien que je soys la plus clere d’icy,
      Je ne reluys pénétramment qu’en l’eau :
      Ou du bas monde un seul royal cerveau
      Ça-haut me passe, et les neuf cieux aussi,
Qui me fait croire (et croire fault ainsi)
      Que quand ça sus son esprit clair et beau
      Retournera pur intellect nouveau
      Il te rendra, Phœbus, moins esclercy.

    De la claire unde yssant hors Cytharée
    Parmy Amours d’aymer non résolue,
    En volupté non encor esgarée,
    Mais de pensée et de fait impolue,
    Lorsques Prognes le beau Printemps salue,
    Et la mer calme aux vents plus ne s’irrite.
    Entre plusieurs vit une Marguerite
    Dans sa coquille, et la prenant : j’eslis
    Geste, dit-elle, en pris, lustre et mérite
    Pour décorer (un temps viendra) le Lys.
    .

  1. Délie, dizain 252 (cf. p. 47).
  2. Lyon, Jean de Tournes 1547. L’extrait des registres du Parlement de Bordeaux est daté du 29 mars 1546 (nouveau style 1547).