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Saint-Gelais l’adorateur d’Erato, parallèle évidemment manqué, puisque ce poète n’a point écrit d’élégies à ce que je sache et que son style est aussi loin que possible de l’élégiaque. Auprès de lui est placé Maurice Scève

Petit de corps, d’un grand esprit rassis
Qui l’escoutant, mal gré qu’il en ait, lie
Aux graves sons de sa douce Thalie.

Si les rapprochements entre Marot et Caliiope, entre Saint-Gelais et Erato, entre Héroët et Melpomène n’étaient pas dénués de toute raison, on pourrait trouver dans ces vers quelque allusion à un poème idyllique de Scève. Mais il n’est guère probable que la Saulsaye, publiée en 1547, ait existé à cette époque ; les qualités stylistiques de cette églogue ne permettent pas de l’admettre. On pourrait plutôt croire à quelque poème perdu.

Charles de Sainte-Marthe n’est pas le seul des familiers de Marguerite de Navarre qui ait eu des relations avec la société de Lyon. Un autre littérateur du cercle de la reine qui occupe très souvent les imprimeurs de la ville, est Antoine du Moulin[1]. Nous le trouvons dès 1536 parmi les poètes qui fournissent à Etienne Dolet des vers pour le recueil fait à l’occasion de la mort du dauphin. Il s’y présente comme auteur d’un dizain, (et il est avec Saint-Gelais et M. Scève le seul de ces poètes qui ait écrit en français). Il est l’ami intime de Dolet, puisqu’il accompagne de pièces en vers qui les recommandent au public le Cato cristianus (1538) et les Francisci Valerii gallorum regis fata (1539) de celui-ci. Il entretient une correspondance poétique avec Gilbert Ducher, ce qui laisse soupçonner des relations avec tous les membres de la société humaniste de Lyon. — Les salons mondains ne lui étaient pas non plus étrangers. En 1545 il publie la Déploration de Venus sur la Mort du bel Adonis de Mellin de Saint-Gelais, et, en 1547, dans une nouvelle édition de cette poésie, il ajoute la Suite de ladite Fable par Pernette du Guillet, jadis maîtresse de Maurice Scève, les Rimes de laquelle il a mises en lumière déjà en 1545, peu après la mort prématurée de cette Lyonnaise si célèbre.

L’ami le plus intime d’Antoine du Moulin est sans aucun doute Bonaventure Despériers[2]. Déjà en 1536, lorsque du Moulin n’était que depuis peu valet de chambre de la reine de Navarre, il se chargeait de remettre à la reine les vers de son ami sur l’Impudence des Prognostiqueurs[3]. Les poésies de l’auteur du Cymbalum Mundi prouvent que leur amitié n’alla jamais décroissant. Bona-

  1. Revue d’hist. litt. III. p. 90, 218.
  2. Chenevière, op. cit. passim.
  3. Prognostication des Prognostications pour tous temps, à jamais, sur toutes autres véritable ; laquelle descœuvre l’impudence des prognostiqueurs. Recueil des Œuvres, p. 130,