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à Guillaume qui était probablement le plus considéré à cette époque, et qui avait été le compagnon d’études de Visagier à Padoue et à Toulouse[1].

Visagier est bien le plus amoureux de tous ces poètes latins. Il chante sa Clinia sans jamais se lasser, et toutes les fois qu’il s’adresse à Maurice Scève, c’est par rapport à ses amours ; ce dernier avait donc déjà à ce moment la renommée d’être le poète érotique par excellence. Dans un distique, Visagier lui adresse des compliments pour le Blason de Sourcil qui avait été jugé le meilleur par Renée de France.

Triste supercilium deponis, laudibus ornas
      Fœmineum tune eum, Scaeva, supercilium.

Dans d’autres vers, il chante les beautés et les grâces de Délie qui ne sont pas moindres que celles de la Sylvie de Guillaume Scève ni que celles de sa propre Clinie.

De même Guilbert Ducher s’adresse plus souvent à Guillaume qu’à Maurice Scève auquel il dédie seulement trois pièces du deuxième livre de ses Epigrammes, mais trois pièces assez intéressantes. La première intitulée ad Mauricium Scœvœ μίμησις Politiani[2] est un panégyrique enthousiaste du poète lyonnais qui est comparé à Platon et à Stésichore :

Tam suave eloquium Pitho tibi, Scaeva, ministrat
Quod numeris nectit dexter Apollo tuis.

La deuxième de ces épigrammes chante les trois frères Vauzelles ; Matthieu, le jurisconsulte qui mérite bien qu’on lui confie le gouvernement d’une province, Jean, le théologien — vir ille sacer —, et GeorgesRhodiœ nobilitatis eques — qui combat pour sa religion avec l’épée tandis que Jean la défend avec les armes spirituelles. La Gaule, si grande qu’elle soit, ne possède pas un autre trio de frères aussi célèbres pour leur concorde et leur noblesse. Matthieu et Jean, qui s’essayent quelquefois dans la poésie française, étant les meilleurs amis de Scève, il est tout naturel que Ducher leur ait adressé cette poésie. — La troisième épigramme contient des allusions assez obscures à deux poètes

  1. Paul Stapfer (Rabelais, sa personne, son génie, son œuvre. Paris, A. Colin 1889. p. 171} paraît être de l’avis contraire. Il suppose que l’épigramme suivante qui nous prouve que les intérêts universels de ces humanistes s’étendaient même à la jurisprudence, est adressée à Maurice :
    Ad Scaevam
    Civili de jure rogas quid sentio, Scaeva ?
    Hoc verum, noster quod Rabelaesus ait.
  2. On préparait à cette époque à Lyon une des meilleures éditions des Œuvres de Politien ; je ne sais pas si Ducher ou Scève y avaient quelque part.