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de ses amis, surtout dans celles de Dolet, de Visagier et de Bourbon, et dans le Recueil de vers sur le Trespas du Daulphin[1]. Mais il est peu probable que ce soit là toute l’œuvre de Guillaume Scève, vu le grand nombre de compliments poétiques que ses contemporains lui ont adressés pour ses vers.

Les deux cousins étaient bons amis ; les intimes de l’un étaient aussi ceux de l’autre. La vaste correspondance de Guillaume Scève avec Boissonné, Dolet etc. nous prouve que ceux-ci s’occupaient aussi de Maurice ; ils oublient rarement de le saluer. Visagier adresse même une épigramme aux deux cousins à la fois, ou plutôt à leurs maîtresses :

Ad Sylviam G. Scœvœ et Dœliam M. Scœvœ consobrinorum.
Nil nisi nomen habens a sylvis, Sylvia, densis.
Dælia de Daelo nihil nisi numen habens.
Fœlices animæ, victuraque nomine, donec
Mons bifidus asserat esse suos…

„Si on demande plus tard quelle était la plus grande, qu’on sache qu’elles étaient égales ; l’une et l’autre aimées des Scève pareils entre eux par la noblesse, les couronnes, les années, la patrie, la foi ; ne différant que parce que Guillaume a célébré Sylvie en des poèmes latins et que Maurice a chanté Délie en langue nationale.“

Parmi les amis de Guillaume Scève qui furent aussi plus tard ceux de Maurice, nous avons déjà mentionné Boissonné qui était, nous le répétons, un ami plutôt tiède ; les deux hommes ne s’étaient vus que rarement et brièvement. Il en était tout autrement à Étienne Dolet[2]. Au printemps de 1534, il y eut à Toulouse quelques rixes assez sérieuses entre le parlement et les capitouls d’un côté et les professeurs et étudiants de l’autre. Ces désordres et leur sauvage répression forcèrent beaucoup de savants à quitter la ville. Dolet et Visagier finirent par se domicilier à Lyon où les imprimeurs pouvaient leur procurer du pain et où la liberté était si grande que les autorités ecclésiastiques et séculières ne pouvaient pas les gêner beaucoup.

Dolet arriva à Lyon le premier août 1534. Les premières années de son séjour, il fut correcteur chez Sébastien Gryphe, sous la direction de son ami Guillaume Scève. C’est à cette époque qu’il fit la connaissance de Maurice, qui avait avec lui plus d’un trait de caractère commun, en particulier une sévérité stoïque

  1. Une liste des louanges que des humanistes contemporains — surtout Boissonné, Dolet, Visagier, Boiu-bon et Rousselet — ont adressées à Guillaume Scève se trouve dans Mugnier, op. cit. p. 405 ff.
  2. cf. Christit. op. cit. passim., où l’on trouve aussi la bibliographie sur Étienne Dolet