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ces rapprochements mythologiques, basés uniquement sur un jeu de mots sans rapport avec la réalité et qui n’ont partant aucune valeur poétique. Toute la poésie est une catachrèse continue ; on ne sait jamais s’il faut se représenter un prince ou un poisson. Dans la description de la rentrée des enfants de France, l’auteur abandonne un moment l’allégorie et raconte des réalités ; dans ce moment on sent qu’il est un vrai poète. Mais quand il nous peint des poissons qui jouent de la trompette, du clairon et de la buccine et qui chantent, il tombe de nouveau dans le défaut fondamental de toute la pièce : l’allégorie forcée qui ne permet guère le développement de sentiments et d’idées poétiques. Le „Cocodrille“ est tout ce qu’il y a de plus ridicule. Toute la poésie est un travail purement intellectuel dans lequel le cœur et la fantaisie n’ont point eu de part.

Cette églogue n’a pas même l’avantage d’être originale : le modèle qu’elle imite est la Complainte de Louise de Savoie par Clément Marot. Mais on sent bien que Scève a lu aussi les Églogues maritimes de Sannazar et qu’il cherche à en tirer quelques traits pour les incorporer dans sa composition. Cette imitation de deux modèles à la fois n’a fait que rendre sa poésie plus guindée et plus décousue.

chapitre quatrième

SCÈVE ET LES HUMANISTES LYONNAIS

Le recueil des vers sur la mort du dauphin nous montre Maurice Scève dans un milieu nouveau sur la voie d’un art nouveau. Il n’est plus le poète de salon qui écrit des Blasons et des romans sentimentaux. Le voilà au milieu, on pourrait presque dire à la tête, des poètes latins qui forment la société humaniste de Lyon. Il n’y est pas un homo novus, sans doute ; la renommée qu’il a acquise par la découverte du tombeau de Laure, son savoir presque universel ont dû l’y introduire dès sa rentrée à Lyon après les années d’étude. Pourtant ce n’est qu’en 1536 que nous l’y voyons faire figure, que nous le voyons poète latin et — dans sa poésie française — débordant de mythologie antique.

Il y a un certain développement à constater dans cette période de la vie de Maurice Scève. La cause première de ce changement est la tendance générale des esprits lyonnais dans