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Scève est une complainte en quinze distiques d’une rhétorique assez sentencieuse :

Quid vitae hseremus ? et quid inani fidimus umbræ ?
Inviti in mortem, summamque illabimur horam,
Nec quisquam est hominum, qui se fato eximat. Ecce
Ipse decem nondum primos adoleveram in annos
Et patriæ, Hispanias egi…

et il continue en racontant assez exactement les divers faits de la vie du Dauphin, en y ajoutant ses réflexions et les effusions de son sentiment. Il fait suivre le complainte de trois épitaphes latines qui n’expriment point d’autres idées que ses poésies françaises du même recueil. Le point de départ de ses réflexions est souvent un calembour banal : le dauphin est à la fois le fils du roi et le poisson qui a sauvé Arion ; il n’y a rien de surprenant que le nom de Montecucculi lui rappelle toutes les fables qu’on raconte du coucou.

It cuculus teneros aliorium perdere fætus
Ut suo non nido collocet ova sua.
Non tamen ipse tuis alium at te perdis iniquum,
Ut merito cuculi nomine dignus eras.

La plupart de ces vers sont inspirés par une haine implacable contre le prétendu empoisonneur : in veneficuni qui veneno Delphinum extinxit. Guillaume Scève n’a pas composé pour ce recueil moins de cinq épitaphes et épigrammes, qui ne se distinguent pas beaucoup de celles de son cousin, ni par l’inspiration, ni par la forme qui est assez correcte.

La partie la plus intéressante du livre est sans aucun doute la deuxième qui contient les poésies françaises. Après trois épitaphes de Saint-Gelais et une quatrième de Marot, l’éditeur a fait suivre deux huitains de Maurice Scève, voulant exprimer peut-être par cet ordre que ce poète était regardé à cette époque déjà comme le troisième de la France. Le premier des huitains est une apostrophe à la cruelle mort qui a poursuivi le dauphin par envie de ses vertus, lesquelles l’auraient enlevé à sa persécutrice pour lui procurer la vie immortelle. Le second exprime des idées d’immortalité plutôt chrétiennes.

La pièce la plus longue et sans doute aussi la plus importante du recueil est de Maurice Scève. Elle a pour titre Arion, Églogue sur le trespas de feu Monsieur le Dauphin[1] (environ 250 vers de dix syllabes). Il est aisé de trouver la clef de cette

  1. Goujet et Brunet en citent une édition séparée : Scève, Maurice. Arion, Eclogue (sic) sur le trespas de Françoys, Daulphin de France. À Lyon, chez François Juste 1536. in-16. allongé ; car. semi-goth. — Le supplément de Brunet (1880) dit que cette édition semble avoir disparue. Je n’en ai aucune notice.