Page:Baur - Maurice Scève et la Renaissance lyonnaise, 1906.djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 48 —

aussi les femmes avec lesquelles il avait commis des excès qui avaient affaibli son corps et donné beau jeu à la maladie[1].

On ne voulut pas croire à la mort naturelle d’un prince qui était l’espoir de la patrie. Son échanson, Sébastien de Montecucculi, gentilhomme de Ferrare, qui lui avait présenté le funeste verre d’eau, fut arrêté, et comme ou trouva chez lui un traité sur les poisons, la torture lui arracha tous les aveux qu’on désirait. Ne répétons pas les soupçons dont on offensa à cette occasion Charles-Quint et Catherine de Médicis.

L’affaire fut jugée à Lyon ; un arrêt du 7 octobre[2] condamna le malheureux gentilhomme italien à être écartelé. François Ier se résolut à arranger l’exécution avec le plus grande faste possible pour donner à l’Europe le spectacle de sa vengeance. Tous les princes et princesses du sang, tous les prélats, tous les ambassadeurs et seigneurs étrangers y furent commandés, toute la haute bourgeoisie de Lyon y assista. Et tous supportèrent fort bien ces atrocités, à l’exception de la reine de Navarre qui se jeta sur le sein de son royal frère pour se soustraire au spectacle dégoûtant auquel on l’avait fait assister malgré elle.

Les poètes français n’étaient pas les moins attristés par la mort du dauphin François, qui était d’une bonne nature et vraiment royale, bien fondé en toute vertu héroïque et studieux et amateur de toutes bonnes sciences et arts libéraux[3]. Il avait la réputation d’être doux et gracieux, sage et modeste[4]. Marot préférait, pendant son exil de Ferrare, en appeler à la grâce et à la bonté du dauphin François, plutôt qu’à la clémence du roi pour obtenir un sauf-conduit qui lui permît de rentrer en France[5]. Le roi lui-même, quand il apprit la mort de ce fils, donna son caractère en modèle à ceux qui lui restaient et qui n’avaient pas les mêmes qualités chevaleresques, ni les mêmes goûts littéraires. Henri surtout, qui lui succéda comme dauphin, était connu pour son indolence et son intelligence médiocre. On avait espéré que le dauphin François serait un jour le véritable roi de la Renaissance, titre que son père est loin de mériter complètement ; les savants

  1. Guiffrey, Georges. Chronique du roy François premier de ce nom. Paris 1860, tome 8, p. 184-86. — Brantôme, Œuvres, éd. Lalanne. t. III p. 173 ff. (Procès verbal de l’autopsie du dauphin : Appendice du même volume, p. 446). Guillaume du Bellay Mémoires, livre VII. année 1536. p, 395. — Promptuaire des Médailles'. Lyon. G. Roville 1575, seconde partie, p. 358. Portrait et biographie du dauphin François.
  2. Capefigue François Ier, Paris 1845. vol. IV. p. 100 : texte de l’arrêt.
  3. Promptuaire des Médailles, t. II. p. 258.
  4. Brantôme, t. III. p. 174.
  5. Marot. Épître à Monseigneur le Dauphin. Du temps de son dit exil. Cette épître ne peut guère s’adresser à Henri qui n’était pas connu comme protecteur des poètes. Elle est écrite probablement quelques jours après la mort du Dauphin, dont Marot n’avait pas encore la nouvelle, étant à Venise.