C’est sans doute à cette occasion que Marot fit enfin la connaissance personnelle de Maurice Scève qui était entré en correspondance avec lui depuis une année environ. Le huitain qui en fait foi[1] nous semble être la preuve d’une amitié assez intime. Nous voyons que Scève était, comme la plupart des membres de la société mondaine de Lyon, excellent musicien, en théorie et en pratique, et qu’il voulait déterminer Marot à cultiver sa voix.
Marot était enchanté de son séjour à Lyon, où on l’avait tant fêté et où il avait retrouvé le sentiment de lui-même après les grandes humiliations subies. Il n’oubliera jamais l’hospitalité lyonnaise ; en pauvre poète il ne saura la payer autrement que par des vers dont il n’est pas chiche. Dans une des meilleures épitres qu’il ait écrites, il fait ses adieux à la ville :
Lyon plus doux que cent pucelles…
Il se souvient de tous les biens qu’il a reçus durant son séjour :
Que voluntiers diroys combien
Mais il ne peult estre compté.
Il remercie les belles dames du charme qu’elles ont exercé sur lui, les vieillards „toujours amoureux de vertu“ de leur bon exemple, les citoyens de leur hospitalité, les „enfants“ pleins de sçavoir de leur zèle pour sa Muse. En quittant Lyon où il s’est tant amusé, il fait ses adieux à la jeunesse ; il voit l’avenir en gris. Dans la première strophe, il se souvient de son abjuration publique qui le tourmente toujours, et le congé qu’il prend du Cardinal de Tournon est une satire mordante mais habilement cachée, comme on s’en permet contre un ennemi assez puissant pour vous écraser :
Assez longtemps s’est esbattu
Le petit chien en ta caverne
Que devant toy on a battu.
Finablement pour sa vertu,
Adieu des foys un million
A Tournon de rouge vestu,
Gouverneur de ce grand Lyon.
- ↑ À Maurice Scève, LyonnaisEn m’oyant chanter quelquefovs
Tu te plaings qu’estre je ne daigne
Musicien, et que ma voix
Mérite bien que l’on m’enseigne,
Voyre que la peine je preigne
D’apprendre ut re my fa sol la.
Que Diable veux-tu que j’appreigne ?
Je ne bois que trop sans cela.