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Un jour il trouva dans un tombeau sans épitaphe et orné d’armoiries indéchiffrables des ossements avec une mâchoire entière auprès de laquelle était une boîte de plomb. On l’ouvrit ; on y trouva une médaille de bronze portant une figure de femme dans l’attitude de se découvrir le sein des deux mains, et avec la légende • m • l • m • j • que Scève, après un peu d’hésitation, interpréta comme Madonna Laura Morta Jace[1]. Il y avait en outre un morceau de parchemin avec un sonnet italien[2], très difficile à lire parce que les lettres qui se trouvaient sous les plis avaient été effacées par le temps. Pourtant Scève réussit à les déchiffrer et il ne tarda pas à attribuer la poésie à Pétrarque, bien que tous les Italiens qui se sont occupés de cette affaire, depuis Bembo jusqu’aux plus modernes, aient jugé que le style en est très contourné et que quelques détails sont d’un goût si mauvais que le chantre de Laure ne peut en être l’auteur. Personne ne douta plus que le tombeau trouvé ne fût celui de l’amie de Pétrarque ; Arqua n’était plus le seul sanctuaire où les pétrarquistes fervents firent leur pèlerinage. Même François Ier vint y faire ses dévotions littéraires en compagnie de Sadolet, lorsque en automne de la même année il passa par Avignon pour se rendre à Marseille où il eut une entrevue avec Clément VII. Le mausolée qu’il promit de faire ne fut jamais exécuté comme beaucoup

  1. L’interprétation Mariant Laudate Matrem Jesn serait peut-être plus raisonnable.
  2. En voici le texte : (copie faite par de Sade sur l’original — malheureusement perdu)
    Qui riposan quei caste e felici ossa
    Di quella alma gentile e sola in terra
    Aspro’t dur sasso hor ben teco hai soterra
    El vero honor la fama è beltà Scossa.
          Morte ha del veide Lauro svelta e mossa
    Fresca radice, e il premio de mia guerra
    Di quattro lustri : e più se ancor non erra
    Mio penser tristo e il chiude in poca fossa.
          Felice pianta : in borgo de Avignone
    Nacque e mori ; e qui con ella jace
    La penna, el stil, l’inchiostro e la ragione.
          O délicate membra, o viva face
    Che ancor mi cuoci e struggi inginocchioni
    Ciascun prieghi il Signor te accepti in pace.
                                                      O Sexo
    Morta bellezza indarno si suspira
    L’alma beata in ciel vivra in eterno
    Pianga il presente e il futur secul priro
    Duna tal luce : ed io degli occhi e il tempo.

    De Sade ajoute : Cette copie a été faite avec attention sur l’original, je n’ai vu ces vers nulle part exactement copiés. Pourtant il faudra lire dans les deux derniers vers : il futur secol privo d’una tal luce ; priro n’a aucun sens. (Communication de M. E. Bovet).