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de la nouvelle doctrine, telles que le Cortegiano de Baldassar Castiglione[1], l’Hécatomphile de Léon Baptiste Alberti[2] et surtout le Canzoniere de Pétrarque avec ses nombreuses imitations. Le platonisme des humanistes parisiens est plus scientifique ; il n’est pas une conséquence de l’italianisme, mais il se trouve être l’œuvre d’hellénistes qui s’occupent très assidûment de Platon, le roi de tous les philosophes et le modèle du style grec[3]. Ce platonisme qui remonte à la source, ne fut introduit à Lyon que par Marguerite de Navarre dont la cour était le foyer de la nouvelle doctrine en France ; Bonaventure Despériers, Étienne Dolet et François Rabelais[4], les premiers humanistes lyonnais qui semblent avoir étudié avec soin les œuvres du grand disciple de Socrate, étaient tous des familiers de la reine.

Si la société mondaine de Lyon n’est pas devenue calviniste comme une très grande partie du peuple (presque tous les noms de protestants qu’on y relève sont ceux de simples artisans), la principale raison en est que le platonisme était la vraie religion des Lyonnais amoureux de la Renaissance. Beaucoup d’entre eux étaient très favorables à une réforme évangélique, mais la rigidité de Calvin, le bannissement de toutes les joies de la vie qu’il prêchait et le nouveau système de dogmes qu’il édifiait devaient leur répugner. Il semble que la tolérance des Lyonnais du seizième siècle, cette tolérance qui leur permit d’appeler un homme qui sentait mal de sa foy — B. Aneau — à une chaire de leur collège, soit un fruit du platonisme.

Le platonisme ne fit que rendre plus vive la vie sociale que l’italianisme et la longue période de fêtes avaient éveillée à Lyon. On se réunissait dans des salons, et, chose très remarquable, c’est déjà la maîtresse de la maison qui présidait aux réunions. Le plus renommé de ces cercles était celui de Madame du Perron. Marie Catherine de Pierrevive était italienne de naissance, fille d’épiciers enrichis dans le commerce colonial et mariée dès 1519 à Antoine de Gondi (issu des Gondi de Florence, famille assez célèbre mais un peu appauvrie à cette époque). Il s’appelait le seigneur du Perron d’après une terre française qu’il avait achetée. En 1537 il devint échevin de Lyon.

  1. Le Cortegiano eut deux éditions lyonnaises en 1537 et 1538. cf. Brunet Manuel du libraire.
  2. Hécatomphile ce sont deux dictions grecques… Lyon, Juste, 1534 (autre éd. s. 1. n. d.).
  3. et que tu formes ton style quant à la (langue) grecque à l’imitation de Platon, quand à la latine de Cicéron. (Rabelais, Pantagruel, chap. VIII)
  4. cf. le chapitre V.