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Le nombre des livres français qu’il a possédés, est très petit ; et il me semble que c’est plutôt leur beauté extérieure que leur valeur littéraire[1], qui les a fait rechercher.

Rien ne nous montre mieux quels étaient les goûts de la haute société lyonnaise dans la première moitié du seizième siècle que ces riches bourgeois et gentilshommes épris de beauté et de science antiques et dont nous n’avons pas terminé la liste[2].

Les autres humanistes qui n’étaient pas originaires de Lyon, mais qui cherchaient à y gagner leur pain — Rabelais, Dolet etc. — nous occuperont plus tard.

Essayons de nous faire une image de la société lyonnaise telle qu’elle était sous le règne de François Ier. Les traits caractéristiques que nous avons notés plus haut pour l’époque des guerres d’Italie, s’étaient tous accusés. Le culte de la littérature italienne qui avait été introduit par les nombreux Florentins et que la prétendue Académie de Fourvière avait rendu, était loin d’avoir moins de fidèles, le butin des guerres d’Italie qui s’était vendu à Lyon et dont une grande partie consistait en livres et objets d’art italiens, avait contribué au développement d’un goût nouveau chez les Lyonnais. Les guerres avaient multiplié les relations commerciales avec l’Italie, le nombre des marchands et banquiers florentins s’était toujours accru par suite des désordres politiques qui rendaient le séjour de Florence de plus en plus désagréable. Aussi y eut-il un nombre assez considérable d’Italiens illustres employés à Lyon comme fonctionnaires de l’Etat ou comme ecclésiastiques[3].

Cet italianisme eut sur la société mondaine de Lyon une influence beaucoup plus étendue que l’humanisme. C’est à lui que

  1. Leroux de Lincy, Recherches sur Jean Grolier, Paris 1866.
  2. On pourrait y ajouter encore Jean de Vanzelles, l’ami de M. Scève. cf. L. de Niepce, les chambres de merveille ou cabinets d’antiquités de Lyon. Revue lyonnaise, vol. III — VI. Un autre archéologue remarquable qui habita Lyon fut Gabriele Simeoni (né en 1509) qui, il est vrai, appartient à une époque postérieure de quelques années à celle qui nous occupe dans ce chapitre. Après avoir échappé à l’inquisition italienne, il arriva en 1556 à Lyon, où il resta pendant trois ans. Il s’y occupait de travaux littéraires de toute sorte. Il traduisit entre autre en italien l’étude de Duchoul sur la castramétation romaine. Sa traduction italienne des Métamorphoses d’Ovide est célèbre surtout par les gravures de Salomon Bernard (le petit Bernard). Il a déposé le fruit de ses études archéologiques sur Lyon dans un manuscrit qui porte le titre de l’Origine ed Antiquità di Lione (p. p. la société des Bibliophiles lyonnais) et qui se trouve maintenant dans les archives de la cour de Turin. — Un autre florentin, le grand hébraïsant 'Sanctes Pagnini se réfugia à Lyon après le grand échec de son maître Savonarole. Il y mena une vie très retirée et a été sans aucune influence sur la Renaissance lyonnaise.
  3. De 1498 à 1507 César Borgia fut gouverneur de Lyon, de 1515 à 1518 Jean-Jacques Trivulce, de 1518 à 1536 Théodore Trivulce qui fut remplacé de 1529 à 1533 par son frère Pomponne. De 1547 à 51, Hippolyte d’Esté fut archevêque de Lyon, Une liste plus étendue dans Steyert, op cit. t. II. p. 34.