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sciencieux dans leurs travaux, guidés qu’ils sont par un esprit plus scientifique et plus critique. En somme ils étaient plus pédants, et aussitôt que les lettres lyonnaises commencèrent à prendre des allures scientifiques, elles se ressentirent de cette pédanterie allemande qui contraste singulièrement avec l’autre côté de la Renaissance lyonnaise, tout élégant, joyeux et italien.

L’influence des typographes s’est fait sentir encore d’une autre façon. Les imprimeurs qui sont venus d’Allemagne[1] en ont apporté les idées de Luther sur la réforme religieuse, et ils ont travaillé à les divulguer à Lyon. Les premières protestations contre la vente des indulgences partent des imprimeurs qui ont à souffrir souvent des persécutions du clergé catholique. Seb. Gryphe, Jean de Tournes, Jean Frellon qui hébergeait Calvin, et d’autres typographes d’importance inclinaient aux idées nouvelles. Vers le milieu du seizième siècle, on rencontre chaque soir des bandes d’imprimeurs qui se promènent sur les quais du Rhône, en chantant des psaumes de Marot.

Il va sans dire que l’imprimerie était pour les Lyonnais comme une source où ils puisaient l’instruction classique et italienne, base nécessaire de cette littérature lyonnaise dont le chef est Symphorien Champier et qui se développe parallèlement à la dernière période de l’école des rhétoriqueurs sous Lemaire des Belges.

Symphorien Champier[2] était médecin. Né en 1471 à Saint-Symphorien-le Château d’une famille bourgeoise aisée, il étudia à Paris et fut promu docteur à l’Université de Montpellier. Bientôt après, il vint se fixer à Lyon. Il prit part aux campagnes d’Italie, surtout sous François I. Dans les intervalles de paix, il restait à Lyon où il s’adonnait à ses travaux littéraires. On le fêta beaucoup en Italie, surtout à l’Université de Pavie où il joua un grand rôle. Dans sa patrie, il occupa les imprimeurs par une cinquantaine de petits ouvrages dont la plus grande partie est écrite en langue vulgaire. C’était un homme d’allures très « scientifiques », déjà quelque peu universel. À côté d’ouvrages sur la médecine qui n’ont guère avancé les sciences médicales[3], il a laissé des études historiques où il se montre superficiel, inexact et peu digne de foi, des poèmes et des ouvrages moraux en prose, qui lui ont valu le titre de docteur en théologie, mais qui le classent parmi les rhétoriqueurs les plus médiocres. Et pourtant nous trouvons

  1. Citons les noms de Johannes Alemanus, Schenk, Wensler (ou Michaël de Basilea) Jean Trechsel, Sébastien Gryphe etc.
  2. Allut. Paul, Étude biographique et bibliographique sur S. Champier. Lyon. 1859. Voir aussi Revue du Lyonnais 1836, II. p. 41.
  3. Haller dit de lui : non indoctus homo, polygraphus et collector, semi-barbarus tamen.