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tout le luxe que les banquiers florentins avaient fait connaître aux riches bourgeois de Lyon[1].

Ce qu’il y a de plus important dans l’histoire lyonnaise pendant les guerres d’Italie, ce sont les nouvelles aspirations qui se développent dans l’âme des citoyens. Dans ces marchands, tous d’origine bourgeoise, qui n’ont connu jusque là que leur métier et qui se sont plu dans une vie humble et paisible, ne connaissant pas d’autres jouissances que le gain et le repos après le travail, éclate enfin la joie de vivre, qu’avait préparé depuis longtemps l’exemple de leurs concitoyens italiens. Ils apprennent enfin à se servir des richesses accumulées, ils comprennent qu’il y a des jouissances élevées et raffinées qu’ils n’ont pas encore goûtées et qui sont à leur portée.

Par le contact avec la joie et avec l’Italie, ils se préparent à la nouvelle manière de penser et de sentir : à la Renaissance. Et, notons-le bien, cette Renaissance n’est pas venue par des livres ou par une société de savants, par une espèce d’académie ; elle s’est introduite par la vie sociale, par des rapports directs avec des hommes du monde, des banquiers, des marchands, des industriels, et elle s’est développée sous l’influence de l’art et du luxe italiens, dans une société qui s’adonnait à la gaieté et à des fêtes auxquelles les femmes prenaient part. Voilà pourquoi la Renaissance lyonnaise est polie, galante, sans aucune inclination à la gauloiserie du moyen-âge, bien différente de celle du nord de la France qui a fait naître Rabelais et la plupart des humanistes français. Dans l’âme de ceux-ci, l’éveil s’est fait par suite de lectures assidues des auteurs grecs et romains et par l’étude soignée de la jurisprudence et de la médecine. Voilà aussi pourquoi les femmes prennent une part si vive à la vie littéraire de Lyon, beaucoup plus que dans aucune autre ville de la France.

On ne s’étonne donc pas de voir se développer à Lyon pendant les préparatifs des guerres, entre les victoires et les défaites des armées françaises en Italie, une littérature locale qui montre déjà beaucoup des qualités de l’esprit de la Renaissance. On pourrait appeler cette première période de la littérature lyonnaise d’après son principal représentant l’Époque de Symphorien Champier.

Mais avant de caractériser cette école littéraire, il nous faut parler d’un fait qui a été très important pour son développement :

  1. Il paraît que ce luxe, qui est venu par la bombance et superfluité des draps de soie prattiquée et moyennée à Lyon par les banquiers estrangers, n’a disparu que vers 1564, par les effets surprenants de la prédication évangélique. (cf. Antoine du Pinet, Plants, pourtraits et descriptions de plusieurs villes et forteresses, tant de l’Europe… etc. Lyon 1564).