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viron soixante familles italiennes sont mentionnées dans les documents lyonnais de ce temps ; la plupart sont connues pour leur richesse, leurs relations puissantes, leur amour des lettres et des beaux-arts[1].

Leur influence sur le commerce lyonnais s’accentuait de plus en plus ; ils savaient se rendre indispensables. Lorsque Charles VIII eut chassé hors de France, dans un moment de colère, les employés de la banque de Médicis, les commerçants de Lyon furent dans la plus grande consternation. Ils craignaient de perdre leurs relations avec les Italiens qui étaient les plus lucratives qu’ils eussent, et l’avantage des banques qui se chargeaient de leurs opérations financières.

La colonie italienne allait cependant toujours grandissant. Elle avait son propre consul et jouissait de plusieurs libertés politiques. Les Florentins attiraient des Lucquois et des Piémontais, les banquiers des marchands et des industriels[2]. De cette manière, les industries italiennes s’introduisirent à Lyon, surtout l’orfèvrerie, la lutherie et tout particulièrement la fabrication de soieries qui est restée la source principale de la richesse lyonnaise jusqu’à ce jour. Des artistes italiens passaient par Lyon[3] ou allaient même s’y domicilier ; par exemple le médailleur Niccolo Spinello de Florence qui frappa en 1490, à l’occasion du séjour de Charles VIII et d’Anne de Bretagne, une médaille de commémoration, la première en France[4]. Les Florentins avaient leur chapelle dans l’église des Dominicains ; ils l’ornaient avec cet art exquis qu’ils avaient apporté de leur patrie ; on y admirait un tableau de Salviati, représentant l’Incrédulité de Saint-Thomas.

Les guerres d’Italie ne purent pas arrêter la marche rapide de Lyon vers la richesse et une civilisation plus raffinée, tout au contraire. Pendant que toute la France souffrait terriblement de ces guerres qui éloignaient d’elle, et des travaux de la paix, tant de forces humaines et tant de moyens de subsistance, pendant que des familles nobles, des villes et des provinces s’appauvrissaient, la grande ville commerçante sur le Rhône savait tirer des avantages considérables de la guerre même. Charles VIII fit de Lyon,

  1. cf. Charpin-Feugerolles, Les Italiens à Lyon. Lyon 1894. — Picot, Émile : Les Italiens en France. Annales de la faculté de lettres de Bordeaux. Bulletin italien, année XXXIII.
  2. Tommasso, Récits des ambassadeurs vénitiens, vol. I, p. 36 : Andréa Novagero écrit que plus de la moitié des habitants de Lyon étaient des étrangers et la plus grande partie de ceux-là des Italiens.
  3. Giuliano de San Gallo fut chargé par le cardinal Giuliano della Rovere d’apporter à Charles VIII, quand celui-ci était à Lyon, un modèle en bois richement ornementé d’un palais de Savona. — Burckhardt, Jakob. Geschichte der Renaissance in Italien. 4e éd. Stuttgart 1904, p. 117.
  4. Rondot, Natalis, La médaille d’Anne de Bretagne. Lyon 1885.