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Duverdier, la Croix du Maine, Etienne Pasquier, les auteurs du Promptuaire des Médailles ne nous ont rapporté ni la date, ni les circonstances de son décès.

C’était, il est vrai, une période de troubles effroyables et de guerres civiles continuelles où la mort d’un homme qui n’était plus à l’apogée de sa gloire, pouvait facilement passer inaperçue. Mais bien que Lyon fût occupé tour à tour par les huguenots et les ligueurs qui rivalisaient de massacres — rappelons seulement les Vêpres lyonnaises du 24 août 1572, la Saint-Barthélémy de Lyon — on connaît les noms de presque toutes les victimes que les armes et les épidémies ont faites à cette époque. Le nom de Maurice Scève n’y est pas ; il n’est pas non plus sur les listes de proscription de ces années de misère politique et sociale.

Faut-il supposer qu’il aurait repris encore une fois le vain travail de voir divers pays, malgré les déceptions de ses premiers voyages ? Je tends à croire que Scève s’est expatrié après la publication de son dernier ouvrage ; sa mort à Lyon n’aurait pas passé inaperçue. Les causes de son exil volontaire ont été les troubles religieux, les persécutions cruelles contre les protestants. Nous avons énoncé plus haut la conjecture que Scève était évangélique comme son cousin Guillaume. Joignons à la liste de ses amis protestants l’éditeur de la Saulsaye et du Microcosme, Jean de Tournes, qui s’est retiré plus tard à Genève pour y mourir calviniste. Dans une liste de proscription, nous trouvons les noms de deux membres de la famille Scève qui avaient été échevins de la ville pendant l’occupation par les protestants[1].

L’œuvre de Maurice Scève ne contient aucune trace de catholicisme. La Délie, où l’imitation de Pétrarque aurait permis d’introduire des louanges à la Vierge (aussi bien que les dizains politiques qu’elle contient), est parfaitement indifférente en matière de religion, presque payenne, autant que la Saulsaye. Dans le Microcosme enfin, Scève parle plus d’une fois des dogmes chrétiens, mais à ce qu’il me semble plutôt d’une façon évangélique que catholique. La seule idée d’écrire l’épopée sublime de la création, en se basant sur le texte de la Bible, me parait appartenir à un protestant ; aussi Scève a-t-il été suivi dans cette voie par trois calvinistes : Du Bartas, D’Aubigné et Milton.

Aucun passage de ce poème, il est vrai, ne nous prouve d’une façon définitive que Scève ait été protestant. Il évite avec soin toute polémique, et quand il parle du christianisme, il s’efforce de s’appuyer sur des dogmes communs aux deux confessions ; Du Bartas le suivra dans ce procédé. Un ligueur n’aurait pas craint

  1. Matthieu et Benoît Scève. France protestante, t. I p. 555.