Page:Baur - Maurice Scève et la Renaissance lyonnaise, 1906.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 126 —

Le sonnet liminaire du Microcosme nous donne quelques renseignements, peu précis d’ailleurs, sur l’époque de la vie de l’auteur qui précède immédiatement la composition de cet ouvrage. Nous voyons Scève, dans ses vieux jours, voyageant en divers pays ; il paraît même qu’il consacra une période assez longue à élargir ses connaissances réputées pourtant universelles, et que le but atteint ne le contentait nullement[1]. Malheureusement je ne sais rien de précis sur ces voyages qui resteront probablement un des points obscurs de la vie de Scève. Peut-être a-t-il visité l’Espagne ; dans son poème, il étale des connaissances assez détaillées de ce pays qui nous permettent de le croire.

La publication du Microcosme est le dernier témoignage que nous ayons de la vie de Scève. Il ne paraît guère que ce livre ait eu un grand succès. Les poètes de la Pléiade ne le mentionnent jamais à ce que je sache, et les bibliographes n’en font pas grand cas[2] ; seul l’auteur anonyme du Promptuaire des Médailles, probablement un Lyonnais, l’appelle un livre docte et rare. Dans le même article, publié en 1575, on parle pour la première fois de Maurice Scève comme d’un mort[3].

Voilà tout ce qu’on sait des dernières années de Maurice Scève[4].</ref>, et il est évident qu’on s’attendrait à en apprendre davantage. De tant de poètes qui avaient jadis prodigué des louanges excessives à l’auteur de la Délie', aucun n’a mentionné sa mort dans une page de ses œuvres. Les bibliographes et critiques,

  1. Le vain travail de voir divers païs
          Apporte estime à qui vagabond erre,
          Combien qu’il perde, à changer ciel et terre,
          Ses meilleurs jours, du temps larron trahis :
    Ce temps perdu peut aux plus esbahis
          Gaigner encor son mérite et acquerre
          Son loyer deu, que mieux peuvent conquerre
          Veille et labeur, d’oisiveté haïs.
    Ainsi errant dessous ce cours solaire
          Tardif, je tasche inutile à te plaire
          Ne mendiant de toy autre faveur.
    Ainsi le lys jà flestri refleuronne
          Et le Figuier rejette sur l’Autonne
          Son second fruit, mais vert et sans saveur.
    Les deux sonnets du Microcosme prouvent que Scève était à cette époque encore dans la pleine possession de sa force poétique.
  2. Excepté pourtant Rigoley de Juvigny (1772 !). Le Microcosme ou petit Monde est celui de tous les ouvrages de Scève qui lui a fait le plus d’honneur ; il est en vers héroïques, partagé en trois livres. Le sujet de ce poème est l’homme ; il montre dans son auteur de la philosophie et des connaissances, mais exprimées d’une manière fort obscure.
  3. Brief en toutes choses ce brave poète s’est monstre d’un esprit tant singulier qu’à bon droit nous le devons tenir pour admirable…
  4. Dans le Traité des lois abrogées de Philibert de Bugnyon (Lyon, B. Molin 1563), nous trouvons encore un sonnet liminaire de M. Scève, mais qui peut bien être composé à une époque antérieure.