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sa dame encore plus célèbre que les trois maîtresses les mieux chantées en Frince ; il veut

Qu’à son renom n’approcheroient ces trois
Délie, Olive et Cassandre, la sage.

Par ces mots, le poète confesse son désir d’égaler dans ses poésies Scève, Du Bellay et Ronsard. Dans ses Odes (1559), dans lesquelles il revient souvent à ses amitiés lyonnaises, il se souvient aussi de l’auteur de la Délie, en lui dédiant une poésie qui a pour sujet ses amours avec Louise Labé.

Vers la même époque Scève reçut les hommages d’autres poètes qui semblent avoir fait sa connaissance personnelle. Louis des Masures[1], dont le nom s’est transmis jusqu’à nous grâce surtout à ses Tragédies saintes — la trilogie de David (1556) —, publia, en 1557, ses Œuvres poétiques chez Jean de Tournes, l’ami de Scève. Une ode de cent trente vers environ, dans laquelle il chante la vertu et l’amitié d’après la conception platonique, est adressée au chef de l’école lyonnaise.

Par une publication de la même année 1557, nous apprenons que les Lyonnais regardaient Maurice Scève, Pontus de Tyard et Guillaume des Autels comme formant un groupe de poètes unis par les mêmes tendances. Charles Fontaine, dont nous avons parlé déjà si souvent, adresse une épigramme à ces trois auteurs. Malheureusement elle ne nous offre qu’un encensement banal et nous y cherchons en vain quelque fait positif[2].

À partir de ce moment, le nom de Scève disparaît dans les troubles des guerres civiles, et ce n’est qu’aux temps d’Étienne Pasquier qu’il sera de nouveau question de lui.

Dans les années de 1550 à 1560, le nombre des protestants s’était accru à Lyon d’une façon prodigieuse malgré les persécutions nombreuses et cruelles qui livraient beaucoup d’hérétiques

  1. Né en 1523 à Tournai, protégé et secrétaire du Cardinal de Lorraine, plus tard de Christine de Danemark. Vers 1558 il est à Nancy où il s’affilie aux protestants. Plus tard ministre à Metz et à Strasbourg. Mort en 1580. Il connut Ramus, Bèze, Salel, Peletier, Herberay et Marot, et fut l’ami de Rabelais, cf. Revue de la Renaissance, t. I p. 32.
  2. Charles Fontaine, Parisien. Odes, enygmes et épigrammes. — Lyon Jean Citoys 1557.
    Vos clers-vifs esprits bien envers
    Montrent vos proses et beaux vers
    En notre langue maternelle :
    (Mais que ne di je paternelle ?)
    Beaux vers qui point ne tomberont
    Ainz toujours sur leurs piez seront
    Si non que la langue françoise
    Tombast un jour en escossoise.            (page 95.)
    D’autres vers du même auteur qui concernent M. Scève nous occuperont dans la deuxième partie de ce travail. — E. Roy. Charles Fontaine et ses amis. Revue d’hist. litt. t. IV p. 412.