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Vueille Appollon du double mont descendre
Pour rendre grâce à cest autre Terpendre
Qui renouvelle et l’une et l’autre lyre.
Mais quoy, sçais-tu à quoy, Dame, j’aspire ?
C’est sous espoir de piteuse te rendre
Que seulement mes vers tu daignes lire.

Quant à Ronsard, que nous nommons en dernier lieu pour des raisons de chronologie, il savait, aussi bien que Du Bellay, apprécier les mérites de Maurice Scève. Son biographe Binet nous a transmis la liste des poètes français que le chef de la Pléiade regardait comme ses précurseurs. Les premiers poètes qu’il a estimé avoir commencé à bien escrire ont esté Maurice Sceve, Hugues Saîel, Anthoine Héroët, Mellin de Saint-Gelais, Jacques Peletier et Guillaume des Autels[1]. Et dans un passage de la préface de ses Odes, Ronsard dit également : La langue françoise (était) avant nous foible et languissante — j’excepte toujours Héroët, Sceve et Saint-Gelais.

Voici donc la position de Maurice Scève pendant la révolution littéraire entamée par la Deffence et Illustration : Critiqué avec bienveillance par Du Bellay et honoré par les vers de l’Olive, il est reconnu par Ronsard comme précurseur et comme modèle, en particulier pour la vigueur du langage. Un autre groupe de poètes place le chef de l’école lyonnaise dans un jour encore plus favorable. Ce sont les méridionaux, Pontus de Tyard et Guillaume des Autels, qui vivent dans les environs de Lyon et dans l’intimité de Maurice Scève. Jeandet nous décrit les réunions qui avaient lieu chez Pontus de Tyard, dans son château de Bissy[2]. Parmi les habitués de cette société d’élite où la gravité des plus hautes études était tempérée par la culture des arts d’agrément, on remarquait le savant poète lyonnais Maurice Sceve, J’ami extrêmement aimé, mais non jamais assez honoré“ de Pontus, son cousin Guillaume des Autels „diligent amateur de toutes disciplines“, le poète latin Salomon Clerguet de Châlon… Philippe Robert qui y lisait des fragments de sa traduction d’Isée et de Démosthène. Jacques Peletier du Mans était souvent de la compagnie ; il aimait surtout à parler mathématiques et astronomie[3]. Pour les poètes de ces réunions, le chantre de la Délie est le maître incontestable, et ils donneront dans leurs œuvres plus d’un témoignage de ce jugement.

En 1553 Guillaume des Autels publie un nouveau recueil de sonnets, d’inspiration toute platonique, sous le titre Amoureux

  1. Texte de 1587 et 1597. Dans l’édition princeps de 1586, la liste se réduit à M. Scève, H. Salel et J. Peletier. (Note de Chamard op. cit. p, 76.)
  2. op. cit. p. 94.
  3. Marty-Laveaux. Notice sur Pontus de Tyard. p. XX-XXI.