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Donne, sans plus, une heure à tes deux yeux
Pour voir l’ardeur qui nie brûle et consume
En ses Erreurs, qu’Amour sur son enclume
Me fait forger, de travail ocieux.
Tu y pourras reconnaître la flame
Qui enflama si hautement mon âme
Mais non les traits de ta divine veine.
Aussi je prends le blâme en pacience
Prest d’endurer honteuse pénitence
Pour les erreurs de ma jeunesse vaine.

Un autre sonnet du même livre mentionne encore le „grave“ Scève comme première autorité en matière de poésie, en l’opposant pour le style au „doux“ Saint-Gelais ; Pontus n’est donc pas en tout point de l’avis de Du Bellay qui, dans la Deffence, a décoché plus d’un trait contre ce poète de l’ancienne école.

Il ne faut point au Flaman reprocher
Et le juger moins subtil en peinture.
Si de tirer en ceste portraiture
Les beaux traits d’elle il ne peut approcher.
On ne me doit au rang aussi coucher
Des ignorants, et taxer pour injure,
Si je ne puis par diverse écriture
Suffisamment sa louenge toucher.
Car au parfait de sa grand beauté peindre
Ne pourroient pas les deux pinceaux atteindre
L’un de Zeuxis, et l’autre d’Appelles,
Ni à louer ceste âme toute gentille
Seroit bastant et l’un et l’autre stile
Du grave Scève et du doux Saint-Gelais.

Le second livre des Erreurs amoureuses qui suivit le premier en 1550, commence aussi par un sonnet, qui chante les trois poètes alors les plus chers à Pontus de Tyard — Scève, des Autels et du Bellay — , et nomme de nouveau en premier lieu le chef de l’école lyonnaise.

Je n’attend point que mon nom l’on escrive
Au rang de ceux qui ont des rameaux vers
Du blond Phebus les savants fronts couvers
Hors du danger de l’oublieuse rive.
Scève parmi les doctes bouches vive,
Reste Romans honoré par les vers
De des Autels, et chante l’univers
Le riche loz de l’immortelle Olive.