Page:Baur - Maurice Scève et la Renaissance lyonnaise, 1906.djvu/128

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 116 —

italienne en se bornant à y ajouter quelques détails personnels. Il y avait donc là une différence de principe entre la brigade du Collège de Coqueret et les poètes lyonnais dont Guillaume des Autels s’était fait le porte-voix.

Malgré cette différence, nous le répétons, la critique de l’adversaire de Meigret contre la Défense n’était point hostile et nous voyons, dans ses œuvres, qu’il suivit plus tard l’étendard de la Pléiade, et qu’il échangea des odes et des sonnets très amicaux avec Ronsard ; leurs relations furent telles que, si l’on pouvait ajouter d’autres étoiles à la Pléiade, Guillaume des Autels en serait peut-être la huitième ; place que Olivier du Magny et Amadis Jamin pourraient seuls lui disputer.

Nous avons déjà mentionné le cousin de Des Autels, Pontus de Tyard, le futur évêque de Chalon-sur-Saône, qui était depuis longtemps en relations suivies avec les cercles lyonnais. Il avait composé des sonnets français avant qu’ils fussent recommandés par la Deffence et Illustration et sans connaître les modèles de l’Olive. Peu de mois après ces publications de Du Bellay, Pontus de Tyard réunit ses sonnets sous le titre d’Erreurs amoureuses, et il tenait si fort à sa priorité qu’il alla jusqu’à commettre une supercherie pour la mettre hors de doute[1].

Aucun poète français ne mérite le nom de pétrarquiste avec plus de raison que Pontus. Il a appliqué à la poésie lyrique les mètres, les procédés et les théories artistiques du pétrarquisme italien, et ne se rattache à l’école de Ronsard que depuis le troisième livre de ses Erreurs amoureuses. Il a entremêlé ses sonnets de dizains qui correspondent aux madrigaux de son modèle, et de chants qui représentent les canzoni. Pourtant le faire laborieux de ses vers, les ombres mystiques où ils laissent notre âme, et l’amour platonique pour une femme qui a abandonné le chemin de l’ignorance, ainsi que beaucoup de ressemblances dans les concetti et dans le langage, nous amènent encore à un autre modèle : à Maurice Scève. C’est à lui qu’il adresse, comme à un maître, le premier sonnet du premier livre des Erreurs amoureuses.

Si en toi luit le flambeau gracieux.
Flambeau d’amour qui tout gent cœur allume.
Comme il faisoit lors qu’à ta docte plume
Tu fis hausser le vol jusques aux cieux,
  1. cf. Chamard, Du Bellay p. 171. — Marty-Lavaux. Œuvres de Pontus de Tyard. — Jeandet op. cit. — Brunetière. Revue des deux mondes. 15 déc. 1900. p. 908. — Flamini. Le rôle de P. d. T. dans le pétrarquisme français. Revue de la Renaissance 1902. p. 43.