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L’Arne superbe adore sur sa rive
      Du sainct laurier la branche toujours vive
      Et ta Délie enfle la Sône lente.
Mon Loyre aussi, demi-Dieu par mes vers
      Bruslé d’amour estend les bras ouvers
      Au tige heureux qu’à ses rives je plante. (Olive s. CV.)

De même dans la Musagnœomachie, Scève n’est pas oublié parmi les esprits que Du Bellay invoque pour combattre l’ignorance :

Carie, Héroët, Sainct-Gelais
Les trois favoris des Grâces,
L’utile doux Rabelais
Et toy, Bouju, qui embrasses
Suivant les royales traces,
L’heur, la faveur et le nom
De Pallas et de Junon,
Sceve dont la gloire noue
Dans la Sône qui le loue
Docte aux doctes esclairci,
Salel que la France advoue
L’autre gloire de Querci…

Cette sympathie de Du Bellay pour Scève et l’école lyonnaise fait qu’on a tort d’insister si souvent sur l’origine lyonnaise du Quintil Horatian, en disant que cette protestation contre les doctrines de la Défense représente les idées de la plupart des poètes qui se groupaient à cette époque autour de Maurice Scève. Ces hommes-là ne formaient point une école littéraire au sens moderne du mot ; quelques-uns seulement peuvent être appelés des élèves de l’auteur de la Délie, mais justement Barthélémy Aneau, l’auteur du Quintil Horatian, et Charles Fontaine qui, par soif de vengeance, l’avait recommandé dans un quatrain agressif[1] n’avaient pas les mêmes tendances que Scève. Le premier était un de ces vieux pédants qui sont fiers d’une science douloureusement acquise pendant de longues années et qui n’entendent rien sacrifier de ce trésor. Tout ce qu’il y a de nouveau leur paraît suspect, et toute nouveauté opposée à leurs idées bien établies leur semble un crime. — Charles Fontaine se classe parmi ces pauvres diables qui font de la poésie un métier et qui vivent des aumônes et des pourboires avec lesquels on paye leurs vers. Changer de méthode était pour lui une question d’existence plutôt

  1. Jamais si tost ne t’aura
    Claire eau de ma fontaine vive,
    Que legier feu estainct sera
    De l’huyle obscure de ton olive.