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chapitre huitième

LES TEMPS DE LA PLÉÏADE NAISSANTE.

Les années qui précèdent et qui suivent l’avènement de Henri II sont celles de l’apogée de la gloire de Maurice Scève. La Délie et la Saulsaye ont fait connaître son nom par toute la France, la reine de Navarre l’honore de la tâche de composer les sonnets liminaires des deux livres de ses Marguerites, le libraire Jean de Tournes lui dédie une édition des rimes de Pétrarque, en rappelant à tous les fervents du chantre de Laure les mérites de celui qui a trouvé, il y a une douzaine d’années, le prétendu tombeau de cette femme célébrée par les vers du divin poète ; le même éditeur lui fait aussi l’hommage d’une édition de la Divine Comédie, Jacques Peletier du Mans le donne en modèle dans son Art poétique ; ces événements de la seule année 1547 nous font supposer que le prestige de Scève atteignit à cette époque son point culminant. Les humanistes lyonnais se sont complètement dispersés depuis quelques années : l’auteur de la Délie est sans contestation le Lyonnais le plus célèbre, tout désigné pour arranger les fêtes par lesquelles ses concitoyens assuraient le nouveau monarque de leur amour et de leur fidélité.

Deux portraits de cette époque nous permettent de nous faire une image de Maurice Scève. L’un se trouve sur le verso du premier feuillet de la Délie[1] ; le poète y est pris exactement de profil. Un autre fait partie du Promptuaire des Médailles, ouvrage iconographique et biographique du seizième siècle malheureusement assez rare. Si la première des deux gravures ne semble pas mauvaise, la seconde est encore meilleure ; un portraitiste de talent et d’un art supérieur se manifeste dans ces lignes hardies qui donnent au poète une expression vive et naturelle[2]. Malgré quelques petites différences qui s’expliquent par la conception individuelle de l’artiste, ces deux portraits offrent tant de détails identiques que nous pouvons nous représenter sans difficulté l’auteur de la Délie.

Le corps de Maurice Scève était faible, non armis utile (Girinet) ; un grand nombre de ses contemporains[3], frappés de sa petite taille, notent cette circonstance en premier lieu quand ils parlent du chef de l’école lyonnaise. Lui-même nous dit avoir

  1. Dans la réimpression de la Délie de 1862, on a voulu idéaliser les traits quelque peu rudes du poète en reproduisant la gravure sur bois de l’original par une eau-forte ; mais on a amoindri la valeur artistique du portrait. — Un fac-similé de l’original dans E. Picot. Catalogue de la Bibl. Rothschild.
  2. Un fac-similé au frontispice.
  3. Dolet, Ch. de Sainte-Marthe, La Croix du Maine, Promptuaire, etc.