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Jamais on n’avait vu en France des fêtes plus éblouissantes, jamais fêtes n’apportèrent tant de nouveautés ; Brantôme nous l’assure, lui si curieux de toutes les choses sensationnelles. Il est très intéressant de comparer à ce point de vue l’entrée de François Ier en 1515 avec celle que nous venons de décrire. Au commencement du siècle on avait aussi présenté les panégyriques sous forme allégorique, mais c’étaient les allégories purement verbales du Roman de la Rose, et leur représentation se ressentait de l’influence du théâtre national, des moralités surtout. Les allégories de Scève par contre sont purement mythologiques, et l’architecture des simulacres et des décors ainsi que les costumes, font preuve d’une profonde érudition archéologique. On y remarque que l’intention d’éblouir le roi et de lui montrer toute la richesse des Lyonnais ne va jamais jusqu’à le fatiguer ; dans le cortège de la première journée, le défilé interminable de la force militaire et des métiers est interrompu par le combat des gladiateurs ; et dans la marche du roi à travers la ville, les scènes émouvantes alternent avec les idylliques. On n’a pas oublié, dans la longue suite de huit jours de fête, de tenir compte du repos qui ne laisse pas naître la satiété dans l’âme des hôtes.

Nous avons constaté plus haut que l’archéologie était la préoccupation principale des humanistes lyonnais, surtout des riches amateurs comme Claude de Bellièvre et Guillaume du Choul, et nous ne nous étonnons point de trouver le nom de ce dernier dans la liste des membres de la commission qu’on avait chargée de la préparation des fêtes. Pourtant si ce n’est pas lui qui, d’après les Registres consulaires, a conduict la dicte entrée, Maurice Scève a dû avoir une renommée d’antiquaire au moins égale à la sienne. Les dizains de la Délie, que Claude de Bellièvre cite dans son Lugdunum priscum comme provenant d’une autorité, en font foi. Le même recueil et surtout le Microcosme nous prouvent que Scève était versé dans l’archéologie et la peinture comme un homme du métier[1].



  1. Soubz le carré d’un noir tailloir couvrant
    Son Chapiteau par les mains de Nature.
    Et non de l’art grossièrement ouvrant
    Parfaicte fut si haulte Architecture,
    Où entaillant toute linéature
    Y fueilla d’or à corroyés Héliques.
    Avec doux traits vivement angéliques
    Plombez sur base assise et bien suyvie,
    Dessus son Plinthe à creux et ronds obliques
    Pour l’ériger Colomne de ma Vie.               (Délie, dizain 418.)