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Et voici l’arrière-garde de cette infanterie qui s’approche de la loge royale ; elle est forte de deux cents hommes, l’élite des jeunes gens riches de la ville — cette partie du cortège est la plus superbe. Tous ces adolescents portent des armures et des morions ciselés avec grand art et décorés avec force or et argent. Les capitaines qui se distinguent encore des autres par le luxe étonnant de leur costume, ont été dessinés et leurs traits reproduits par des gravures de Bernard Salomon. Dans cette troupe, on voit partout la tendance à se rapprocher autant que possible du costume militaire des anciens Romains. Entre les épaules et au milieu de la poitrine, ces jeunes guerriers ont fixé de grosses testes de lyon aux uns tout d’or, à plusieurs d’argent doré avec des attaches en chaînes d’or et des ornements en pierres précieuses. Leurs cimeterres ont été forgés pour la circonstance, le pommeau représente une tête de griffon ou de lion, les yeux et la garde de pierreries. Je vous laisse à penser lequel estoit plus grand ou le contentement ou l’esbahissement de chacun de tous ceux qui en les regardant leur sembloit perdre la veue, en l’admiration d’une chose incroyable.

Une fanfare de douze trompettes à cheval annonçait l’approche de la cavalerie de cette troupe d’élite, soixante-dix jeunes hommes vêtus à peu près de la même manière que ceux qui venaient de passer. Chacun avait deux laquais devant soi. On admira surtout leurs grands chevaux turcs, barbes et genêts d’Espagne sous leurs harnachements et caparaçons surchargés de pierreries et de broderies. Et qui accroissoit merveille sur merveille, c’estoit de veoir le capitaine, lieutenant et porte-enseigne et bonne part des autres si dextres à cheval et si bien le sachant manier, faire pennades, bondir, voltiger, redoubler le saut en l’air qui ne pouvait que donner que grand plaisir au roi, aux princes et aultres gentilzhommes non sans s’esbahir de les veoir (pour gens de ville et non appelez à cela) si adroits qu’il seroit presque impossible de mieux faire. Ce qui tourna à une non petite louange, mesmement à ceux qui s’y portèrent glorieusement à leur honneur et contentement du monde tout esperdu de joie et d’aise. Une longue file de magistrats de la ville clôture cette seconde partie du cortège.

Après avoir vu passer tout ce que la richesse et le goût des Lyonnais étaient capables d’étaler, le roi s’apprêta à faire son entrée officielle dans la ville. Le capitaine des Suisses de la garde du roi, suivi de ses hommes en riches uniformes et la hallebarde sur l’épaule, ouvrait la marche du cortège royal. Ils étaient suivis des hauts dignitaires ecclésiastiques de la France. Derrière eux marchait le Grand Écuyer chevauchant à main gauche pour laisser libre la place du connétable absent. Ici venoit sa sacrée