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et sans entrerompre son ordre, fust pour saulver aucun ou autre occasion quelconque qui monstroit assez à tous à ce congnoissans que la plupart d’eux avoyent quelque fois suivy les armes.

Les „nations“ étrangères prirent un soin plus grand encore d’étaler leurs richesses pour donner aux Français une haute idée de la grandeur et de la perfection de l’art italien. Les riches marchands lucquois qui étaient tous vêtus avec magnificence, se firent précéder de quatre jeunes pages habillés à la mode de l’antique cavallerie romaine, comme de corseletz d’un fin drap d’argent, artificiellement umbragé, à gros tymbres sur les épaules, bouffancs de toille d’argent, sur lesquelz estoient attachez gueules de lyons ; petits haut-de chausses, venas jusqu’à demy cuisse, petites masquines sur les genoux et pardessus un paludement militaire qui est un manteau pareil à celuy que les Bohémiens portent aujourd’hui, toutefois court jusques au genoux et lequel estoit de toille d’argent, la plus subtile et déliée qu’on saurait trouver, bourdée tout autour d’un petit bord de frange de soie noire et semé par dessus de petits boutons noirs, à deux doigts l’un de l’autre, lequel manteau estoit noué sur l’espaule droite et rebrassé sur l’autre : le demourant du corps tout nu, comme bras et jambes et la tête à cheveux crespez à la Césarienne : montez sur quatre grands chevaux autant beaux qu’il est possible, harnachez d’une petite housse de mesme toille d’argent jusques au dessous du ventre du cheval, le bas a lambeaux ronds enrichis de force houppes de fil d’argent. La bride estoit seulement d’un gros cordon d’argent : le pennache blanc pailleté d’or. Et ainsi marchoyent iceux pages le petit pas assez loin l’un de l’autre, et quelquefois par intervalle faisoient bondir leurs chevaux de si bonne grâce que chacun prenait grand plaisir a les veoiry et se tenir si bien sans selle ny estrieux. Cette description ne montre-t-elle pas tout l’enthousiasme d’un antiquaire épris de l’antiquité ?

Devant la nation florentine marchaient également six pages qui excitaient la curiosité du peuple par leur beauté, par la richesse de leurs costumes et la pureté de race de leurs chevaux turcs. Les seigneurs florentins montaient aussi des chevaux rares et chacun était précédé de deux laquais. La magnificence de l’accoutrement de leur consul ne pouvait être assez admirée. Les Milanais s’efforçaient à ne leur céder en rien, de même que les Allemands, les derniers en rang dans le cortège.

Ils furent suivis par les officiers de justice de l’archevêché et par les sergents royaux de la ville, à cheval, portans leurs basions peincts d’azur et semez de fleurs de Lys d’or et marchant à la tête des officiers de l’administration royale et municipale de la ville, et des conseillers du Parlement de Dombes. Un détache-