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Lyon non seulement du pays environnant mais même de la Bourgogne et du Dauphiné. Les arquebusiers les suivent avec leur bannière ; ils sont au nombre de trois cents ; leur costume est blanc et noir avec paillettes d’or. À leur tête marche le lieutenant du capitaine de la ville, monté sur un grand cheval d’Espaigne, richement harnaché de houppes d’or, de soie et de pennache ; et luy d’une cazaque de velours noir, toute espessement setnée de boutons d’or, faicts à roses, et au devant de lui deux laquais vestuz de satin bleu. Ce costume était pourtant loin d’être le plus magnifique ; le cadre de ce travail nous oblige à passer sous silence beaucoup de détails intéressants sur la civilisation lyonnaise de ce temps.

Après les forces militaires, on voit s’approcher les corporations des métiers, chacune avec son capitaine, ses tabourins et ses fifres. Les premières qui défilent sont celles des bouchers, cartiers[1] et couturiers (333)[2] ; leurs armes sont dorées, les fourreaux en sont revêtus de velours. Les teinturiers, tissottiers et orfèvres (685) étalent encore plus de luxe dans leurs costumes ; les derniers ont des croissants d’argent sur le collet. Les charpentiers, selliers et maçons (592) font bonne mine, surtout par la correction toute militaire de leurs rangs. — Il serait fastidieux pour le lecteur de lire les noms de toutes ces corporations et la description des efforts qu’elles firent pour plaire au roi par la somptuosité de leurs costumes et l’éclat de leurs armes, par les magnifiques accoutrements de leurs capitaines, lieutenants et enseignes qui laissaient flotter au vent leurs bannières artistement brodées. Mentionnons encore les 413 imprimeurs, portant pourpoints, chausses et souliers de velours jaune, paillé biseté d’argent, le collet et le bonnet noir, avec le petit toupet de plumes blanches sur le derrière, pour la dernière troupe des gens de mestier. Lesquels furent tous grandement louez et prisez du roi et de tous autres, et mesmement pour le grand ordre, gravité et silence qu’ils tenoient, autant que gens de guerre sauroyent faire, et sans que l’on vist aucun sergent de bande parmy eux, comme est de coustume, ains marchant toujours avec le Cap-desquadre et sans abandonner son rang pour haster ou ranger la troupe : qui fut chose aux regardans esmerveillable et mesme à totts capitaines et entendans le fait de la guerre, de voir si gros nombre de gens de ville, en si peu de temps que d’une heure et demye estre bien rangez, et en si bel ordre sans que l’on vist, tout le long de la ville toussir ne parler un seul,

  1. Les papetiers. Leur nom et leur industrie sont, à Lyon, d’origine italienne.
  2. Les chiffres en parenthèse sont les nombres des membres de chaque corporation. Ils semblent prouver que les ouvriers étaient forcés aussi bien que les maîtres de se procurer les costumes de fête.