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Les consuls de Lyon résolurent de donner à cette entrée de leur nouveau roi une splendeur et une magnificence dignes de leur ville et d’y employer les meilleures forces dont ils disposassent. Parquoy, messieurs de la ville ne voulant dégénérer de leur antique générosité romaine comme descendus d’icelle[1], ils voulaient que l’esprit de la Renaissance qui régnait dans la ville trouvât un écho dans ces fêtes, et ils élurent dans ce but une commission qu’on chargea des préparatifs. Le poète Maurice Scève en fut le chef ; on lui adjoignit les sieurs du Choul, le célèbre archéologue, Barthélémy Aneau, le principal du Collège de la Trinité, et autres gens de sçavoir, tant orfèvres que autres, pour après avoir eu leur advis, prendre le meilleur[2].

Les registres consulaires nous donnent une image assez exacte de ces préparatifs de fête. Le peintre Jean Coste est chargé de fournir seize cents écus aux armes du roi et de la reine ; deux orfèvres reçoivent l’ordre d’exécuter, d’après les modèles du graveur Bernard Salomon, des groupes d’orfèvrerie destinés à être présentés aux souverains ; on construit un jeu de paume près de l’abbaye d’Ainay, où les rois ont l’habitude de loger quand ils sont à Lyon, pour bailler passetemps audict seigneur et à messieurs les princes et seigneurs de la cour ; les trois maistres joueurs d’espées de la ville sont obligés d’engager douze gladiateurs qui combattront de diverses armes, comme espées à deux mains, javelines, l’espée la rondelle, l’espée le bouclier et deux petites espées, le tout tranchant ; on détermine quels costumes porteront les membres du corps consulaire et même les mariniers qui conduiront le roi et la cour sur la Saône.

Heureusement il s’est conservé de ces fêtes une description détaillée dont la fidélité ne peut être contestée. Quelques libraires avaient publié différentes relations de l’entrée de Henri II[3] ; mais le corps consulaire les déclara mensongères et ordonna de les brusler comme imprimées contre la vérité et sans autorité de justice, et il chargea Maurice Scéve qui a conduict la dicte entrée, pour la coucher au vray et, ce fait, la faire imprimer au vroy. L’ordre fut exécuté ; il nous reste du texte officiel de cette relation deux versions ; l’une en français, l’autre en italien. Ce sont des éditions de luxe, imprimées sur vélin, ornées de gravures de Bernard Salomon et publiées aux dépens de la ville[4]. Le nom de Scève

  1. Relation de Scève.
  2. Registres consulaires de Lyon.
  3. Il s’est conservé une de ces relations, que je n’ai jamais vue : Le grand triomphe faict à l’entrée de treschretien et toujours victorieux monarche Henry second de ce nom, Roy de France, en sa noble ville et cité de Lyon. Et de royne Catherine son espouse. Paris 1548.
  4. La magnificence de ta superbe et triumphante entrée de la noble et antique Cité de Lyon faicte au Treschrestien Roy de France, Henri deuxième de ce nom, et à la royne