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LES LORTIE

plutôt d’un méfait, qui a eu le magasin de monsieur Sénécal comme théâtre. En effet, un samedi soir de septembre, comme le témoin comptait paisiblement les recettes de la journée, un malandrin, jeune de tournure mais le visage masqué, fit irruption dans l’établissement et, revolver au poing, exigea l’argent contenu dans la caisse.

— Je m’objecte, Votre Seigneurie ! interrompit une fois de plus Martin. Cette histoire de brigand n’a aucun rapport avec la cause qui nous occupe.

Mais le juge, qui trouvait décidément les interruptions de la défense par trop nombreuses, rejeta l’objection. Falardeau poursuivit :

— Évidemment, Votre Seigneurie, menacé d’une arme redoutable, le témoin ne put opposer aucune résistance. Il se trouva si désemparé, si affolé, qu’il ne put même remarquer avec exactitude la forme du visage, la couleur des cheveux et des yeux de son agresseur. Cependant, une fois le calme revenu, en s’efforçant de se remémorer les moindres détails de la courte scène vécue, il a réussi à se souvenir de certains indices que nous allons pouvoir vérifier dans quelques instants, s’il plaît à Votre Seigneurie.

Cette fois, maître Léon Martin avait nettement perçu le danger.

— Je m’objecte ! s’écria-t-il. Mon savant confrère joue une comédie ridicule et totalement à côté de l’accusation ! S’il cherche à établir que mon client et l’auteur du vol à main armée ne sont qu’une seule et même personne, qu’il le dise !

— Mais certainement, Votre Seigneurie, c’est ça que je cherche à établir, répondit Falardeau.

— Je m’objecte ! répéta pour la centième fois Martin, en donnant cette fois un vigoureux coup de poing sur sa table. La poursuite n’a pas le