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RUE PRINCIPALE

— Non coupable.

Dans le public, un frisson d’aise avait couru. S’il avait fallu que Marcel plaidât coupable, la pièce était jouée, le spectacle terminé : il ne serait plus resté aux badauds qu’une alternative : écouter le sempiternel réquisitoire-type de Falardeau ou aller chercher une distraction ailleurs. Heureusement Marcel n’avait déçu personne ; il avait fait la réponse qu’on attendait de lui.

Et pourtant si, il avait déçu quelqu’un ! Ce brave juge Mercure avait eu un affaissement résigné des épaules et une pensée triste, où se mêlaient, avec pittoresque, une pelouse parsemée de marguerites, des petits drapeaux multicolores, des clubs de golf, des caddies respectueux, des drives miraculeux et des put-ins incroyables. Ce « non-coupable » prononcé par l’accusé allait le forcer à renoncer à ses dix-huit trous quotidiens. Il en serait quitte pour dormir, tout-à-l’heure, pendant le réquisitoire de Falardeau ou la plaidoirie de l’avocat de la défense.

一 La parole est à la poursuite, dit-il en cherchant à se caler le plus confortablement possible dans le fauteuil imposant mais assez peu commode dont l’État l’avait gratifié.

Falardeau se leva avec une lenteur calculée, sourit aimablement à l’avocat de Marcel, se passa la main dans ce qui lui restait de cheveux, puis, se tournant vers le juge, s’inclina avec déférence et dit :

一 Votre Seigneurie, la cause est assez simple en elle-même. Arrêté au cours d’une rixe dans un établissement de la rue Principale, sur une accusation qui a d’ailleurs été reconnue mal fondée dès le lendemain, l’accusé a été conduit au poste de police, où on a trouvé sur lui le revolver actuellement exposé sur cette table, comme exhibit numé-