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LES LORTIE

lanterie ; car il avait ainsi réveillé, en Ninette, une méfiance qui somnolait à peine. Mais refuser maintenant, n’était-ce pas jeter aux orties la meilleure chance, la seule peut-être qui restait à Marcel de sortir victorieux du combat judiciaire qu’il avait à livrer ?

Ninette sourit donc du mieux qu’elle put et trouva les mots pour répondre :

— On n’est pas plus aimable, monsieur Lamarre.

***

À quatre heures cinq, la petite voiture découverte du gérant de l’Agora filait, en bordure du fleuve, vers la métropole.

Ninette se taisait, et René Lamarre, se disant qu’il était sans doute plus adroit de respecter un silence derrière lequel il croyait deviner un faisceau de pensées inquiètes, qui toutes convergeaient vers Marcel, écoutait distraitement le bruit que faisaient les pneus sur le ciment de la route. Ce n’était pourtant pas à Marcel que Ninette songeait à cet instant ; et s’il y avait en elle une inquiétude, c’était celle de n’avoir pu rejoindre Bob au téléphone avant de partir, et de n’avoir, par conséquent, pu décommander le rendez-vous qu’elle avait pris avec lui pour le soir même, à six heures, chez Gaston. Qu’allait-il dire, qu’allait-il faire en ne la voyant pas apparaître ? Sans doute croirait-il tout d’abord à un empêchement fortuit. Mais ne se fâcherait-il pas de ce qu’elle ne l’ait pas prévenu ? Évidemment, elle avait essayé ; elle avait téléphoné partout où elle pensait pouvoir le trouver : au bureau, chez lui, au club, chez Mathieu même. Mais cela, il ne le savait pas, puisqu’elle avait eu le tort — oui c’était bien un tort — de ne charger personne de lui faire la commission. Peut-être, ne la voyant pas au restaurant, irait-il au théâtre. Oui, peut-être penserait-il à cela. Et