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RUE PRINCIPALE

par dessus l’ennemi conquis. Le pauvre Girard avait une mine de chien battu.

— Oh ! farine d’avoine de désespoir ! J’avais pas vu ça, moi !

— Mange à cette heure, dit le boucher.

Il fallut bien que Girard s’exécutât. Il avait un pion à prendre, il le prit. Et soudain, homérique, formidable, le rire de Mathieu emplit la boutique.

— Mon pauvre Phil ! Tu parles d’une affaire !

Un… puis deux… puis trois. Donne-moi une dame à cette heure !

Girard était écrasé.

— Ça te prend ben pas grand chose pour te faire rire, dit-il vexé.

— Donne-moi une dame, allons ! Donne-moi une dame !

— Hé ! farine d’avoine ! s’écria Girard. Quand je pense que c’est moi qui lui ai montré à jouer à cet enfant de nananne là ! C’est ben serieux tout de même !

La porte s’ouvrit pour livrer passage à monsieur Bernard.

— Voilà une partie qui a l’air mouvementée, dit le nouveau venu après les salutations d’usage : je vous en prie, messieurs, continuez, continuez !

— Ben non, monsieur Bernard, c’est fini cette affaire-là, répondit Mathieu. Ce pauvre Girard est battu, et comme il est mauvais perdant, ça le met pas mal en rogne.

— Mauvais perdant ? Mauvais perdant ? C’est ben serieux de mentir de même ! hurla Girard. Si j’étais mauvais perdant, ça fait des années que je jouerais plus avec ce gars-là !

— Comment ? rétorqua Mathieu. Et pourquoi donc ça ?