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RUE PRINCIPALE

proposition que vous me faites ce soir, qui m’honore au-delà de toute expression et qui, en somme, n’est que la confirmation de celle que m’ont faite l’autre jour mes collègues commerçants, gonflerait de fierté la poitrine de feu mon père s’il était encore de ce monde. Que le Seigneur ait son âme ! Mais, chers amis et collègues, j’ai réfléchi et je me suis dit que, quand le chasseur chasse deux lièvres à la fois, il en manque toujours une et que, par conséquent, malgré tout le plaisir que j’éprouverais à mettre mon nez dans les affaires de Saint-Albert, peuchère ! je ne pouvais pas courir le risque de ruiner mon commerce.

— Ben oui, Gaston, ben oui, répliqua Mathieu ; mais il y a des moments où il faut qu’un homme sacrifie ses intérêts personnels aux intérêts de la communauté.

— C’est ben sérieux ce qu’il a bien dit ça ! approuva Girard.

Monsieur Bernard avait cessé de sourire.

— Oui, viande de bœuf ! poursuivit Mathieu, l’espoir de tous les commerçants de la rue Principale puis de tout le bon monde du quartier, ne repose plus que sur toi, mon cher Gaston, pour être enfin représentés à l’hôtel de ville par un honnête homme !

— Évidemment, mon bon, évidemment. Seulement…

Mais Mathieu ne voulut pas entendre l’objection :

— Il n’y a pas de seulement qui tienne, Gaston ! Il est grand temps, il est même plus que temps qu’on se débarrasse de Blanchard et de ses pareils une bonne fois ! Puis, d’après tout le monde, il n’y a qu’un homme, à l’heure actuelle, qui soit capable