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LES LORTIE

Mathieu et Girard se regardèrent sans mot dire, échangèrent des clins d’œil pleins de sous-entendus, sourirent avec condescendance et prirent un air avantageux. Monsieur Bernard contemplait la scène avec un malicieux plaisir.

— Non mais sans blagues ! renchérit Gaston, vous avez l’air de jouer aux tableaux vivants, pas moinsse !

— Dis-y donc, conseilla Girard.

— Penses-tu ? fit Mathieu.

— Il me semble, moi, farine d’avoine ! À quoi que ça sert d’attendre plus longtemps ?

— Dans ce cas-là, se décida Mathieu, je vas te dire toute l’affaire, mon vieux Gaston. Girard puis moi, on a eu une idée à soir. Enfin je veux dire que malgré que t’aies déjà eu l’air de refuser une fois quand on t’a demandé, à l’assemblée des commerçants de la rue Principale, de poser ta candidature contre Héliodore Blanchard, euh… on a pensé que… enfin viande de bœuf ! on s’est dit que peut-être bien qu’on pourrait te faire changer d’idée et que… et que…

Et comme toujours en l’occurrence, lorsque Girard vit l’éloquence de Mathieu en difficulté, il vint à la rescousse.

— C’est ben serieux, dit-il, mais faut que tu te présentes, sinon on n’aura pas de chance de débarquer Blanchard.

Gaston avait pris l’attitude de Napoléon à la veille de Waterloo. Bernard s’amusait de plus en plus.

— Il dit pas non, fit Mathieu.

— Il a pas dit oui encore, répliqua Girard.

— Mes chers amis et chers concitoyens, si je ne vous ai pas dit oui tout de suite, c’est parce que j’ai malheureusement l’intention de vous dire non. La