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RUE PRINCIPALE

一 Mais dites donc, Gaston, dit Bernard ; si je ne me trompe vous m’aviez annoncé que ce serait pour janvier ou février ces élections-là ?

Gaston sembla ne pas entendre la question qui rappelait, avec trop de précision, l’erreur de ses pronostics.

— Raconte-nous ça, Mathieu, hé ? Raconte donc qu’on sache un peu comment ça s’est passé !

— C’est ben simple, dit Mathieu, j’ai pas le diable de détails, mais je sais que tout-à-l’heure, pendant la discussion sur l’entretien des rues et l’enlèvement de la neige l’hiver qui vient, le maire a donné sa démission, puis que ça s’est tellement envelimé que la majorité du conseil a décidé d’aller devant le peuple le deuxième lundi de novembre.

Ce fut le point de départ d’une jolie discussion. Un homme politique canadien-français s’est plaint un jour du peu d’intérêt de ses concitoyens pour la chose publique ; cet homme politique n’était certes jamais passé par Saint-Albert ! Pendant une heure, ces quatre hommes, dont l’un, monsieur Bernard, n’avait élu domicile dans la ville que depuis un mois à peine, tentèrent avec ardeur de démêler l’écheveau des intrigues municipales et de décréter, sur l’heure, la composition du prochain conseil. Il fallait une diversion pour mettre fin à la discussion. Ce fut Mathieu qui, se levant avec dignité et prenant un air solennel, la fournit. Il faut dire que depuis dix minutes, Girard lui faisait des signes mystérieux et désespérés.

Lorsque Mathieu fut debout et que Girard se fut placé à son côté, Gaston se rendit compte qu’ils avaient perdu leur air de tous les jours.

— Eh ! bien, quoi, bougres d’andouilles, qu’est-ce qui vous prend ? Vous avez l’air de deux sergents de ville qui ont avalé leur parapluie !