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LES LORTIE

Pendant ce temps, Marcel se morfondait dans sa cellule et Ninette, de plus en plus abattue, sentait l’espoir l’abandonner.

Bref, on était à dix jours de la date fixée pour le procès, et Bob n’était pas plus avancé qu’au premier soir. À Saint-Albert, on n’avait plus guère d’autre sujet de conversation. Dire si les convaincus de l’innocence de Marcel étaient plus nombreux que les convaincus de sa culpabilité serait assez difficile. On voyait des gens qui hochaient la tête avec des petits airs entendus et qui laissaient entendre qu’il n’y a jamais de fumée sans feu ; on en voyait d’autres, les vieux surtout, qui en profitaient pour attirer les foudres du Seigneur sur le lieu de perdition qu’était, à leurs yeux, une salle de pool, et qui ne se gênaient pas pour s’écrier avec des mines à la fois contrites et satisfaites :

— Vous voyez où ça conduit la jeunesse d’aujourd’hui. des endroits pareils ! De notre temps…

Et la litanie suivait.

C’était d’ailleurs les mêmes qui, quand ils rencontraient Ninette, lui faisaient des petits saluts hypocritement douloureux ou allaient même jusqu’à lui prendre les deux mains, à hocher tristement la tête, à faire semblant de ravaler une larme et à dire :

— Pauvre petite Ninette, va ! Que c’est donc triste une affaire de même ! Pensez-vous que le sergent Gendron a assez d’influence pour arranger ça ?

Assez d’influence ! On ne doutait pas de la culpabilité mais, à cause de la situation de Bob, on admettait fort bien que la justice put errer.

Heureusement, nous l’avons dit, nombreux étaient ceux qui restaient persuadés que Marcel était victime de quelque malandrin qui lui avait