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IV

où l’on voit les choses aller de mal en pis

Le chef Langelier, maître suprême de la police de Saint-Albert, arpentait son bureau de long en large. C’était un homme de plus de soixante ans, haut de taille et dur d’aspect. Trente-cinq ans passés au service de la loi n’avaient pu réussir à lui endurcir le cœur. Bob, debout près de la fenêtre, mâchait nerveusement le bout d’une allumette. Ninette pleurait doucement, appuyée sur le large pupitre de chêne.

— Voyons, monsieur Langelier, répétait-elle pour la vingtième fois, vous allez le relâcher ? Il n’est pas possible qu’il ait fait quelque chose de mal !

— Ah ! ça me fait ben de la peine, mam’zelle Lortie, ben de la peine de vous voir tant de chagrin, mais sur les quinze cimequières de gars qu’on m’a amenés, je pense que je vais être obligé d’en garder rien qu’un, puis ça va être votre frère !

— Mais qu’est-ce qu’il a fait ?

— Il y a un homme à l’hôpital, le crâne fendu, bouteille cassée sur la tête. Il en reviendra peut-être bien pas.

— Mais ça ne peut pas être Marcel qui…

— Ça a bien l’air à ça, cimequière ! Il y a deux types qui disent qu’ils l’ont vu et il faut bien vous dire que s’il fallait que le blessé vienne à mourir, votre frère serait dans une fichue position, c’est moi qui vous le dis !